TVA sociale : les prix montent, les salaires baissent …

Avec la formule « TVA sociale », le pouvoir frappe un grand coup en matière de mauvaise foi. Petit jeu de questions/réponses pour comprendre le mécanisme de cette nouvelle mesure d’austérité :

Kesecé, la TVA sociale ?

Il est difficile d’être précis, tout simplement car le gouvernement ne l’est pas. Pour l’instant, on ne sait pas exactement le contenu de la mesure. Mais on en connait le principe : faire payer une partie des « charges patronales »  par une augmentation de la TVA.
Mais encore ? Et déjà, c’est quoi, les « charges patronales » ?
Pour les patrons, le fait de nous payer est en soi une charge. Elle figure dans ce qu’ils appellent « les coûts de production » : faire baisser les salaires, c’est faire baisser les charges, car ils ont moins à débourser pour faire fabriquer des produits, ce qui permet d’améliorer leur taux de profit.
Donc, les charges patronales, c’est les salaires, tout simplement ?
Oui. Mais c’est un peu délicat pour les patrons de gueuler haut et fort qu’ils vont baisser les salaires. Donc les attaques vont se concentrer sur la part de salaire, dans la fiche de paye, qui n’est pas versée directement : les cotisations. 
Ces cotisations sont la part du salaire versée en différé : non pas tout de suite, mais lorsqu’on est au chômage, malades, ou trop vieux pour bosser (la retraite).  Elles servent aussi à financer les allocations familiales.  (Pour une explication simple du salaire, voir la notion à ce sujet).
« Exonérer les patrons d’une partie des charges » c’est donc leur permettre de verser moins de salaire différé. Un exemple :
Dominique est salarié par Richard. Chaque mois, Richard verse 2500 euros pour payer Dominique : sur cette somme, 1500 finissent directement dans la poche de Dominique, c’est son salaire net.  2500-1500= 1000.

Comme le montre le graphique, la part de salaire différé que paie Richard, c’est donc 1000 euros. (500 au titre des cotisations dites patronales, 500 pour les cotisations dites salariales) .
Grace à la nouvelle loi, Richard est exonéré en partie de ses cotisations patronales, qui servent à financer les allocations familiales , disons 300 euros. Le salaire différé que paie Richard tombe donc à 700 euros au lieu de 1000.
Donc, le salaire total de Dominique (différé+net) a baissé d’autant :

Son salaire total est donc maintenant de 2200 euros.
Bon, c’est bien beau, mais si ça n’entraine pas de souci a Domi, où est le problème ? Tout le monde est content, non ?
Et bein… le souci, c’est qu’on ne va pas pour autant arrêter ( du moins pas d’un coup) de soigner les prolos, de leur verser des allocs, etc. Il faut donc financer les caisses.

C’est là que la TVA dite « sociale » entre en jeu : de l’argent, il y en a, dans les poches de Dominique ! Pourquoi ne pas augmenter la TVA, dit le gouvernement? Aller, bingo, augmentons la TVA ! (et baptisons la “TVA sociale”, ce sera plus joli!)

Reprenons l’exemple de Dominique : Avec quel argent consomme-t-il (ou elle) ? Bein avec son salaire net, pardi ! Ses 1500 euros, dont on parlait tout à l’heure !

Donc, si on augmente la TVA, qu’est ce qu’il va se passer, pour Dominique ?

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt général sur la consommation qui est directement facturé aux clients sur les biens qu’ils consomment ou les services qu’ils utilisent en France ( source http://www.impots.gouv.fr )

Bref, si on augmente la TVA, les prix vont monter: Donc, avec 1500 euros, Dominique pourra s’acheter moins de choses:
On dit dans ces cas-là que l’inflation augmente . ( Nous reviendrons sur cette histoire d’inflation un de ces jours.)

Le salaire réel de Dominique, le salaire réel des prolos, va baisser. Voilà toute l’histoire de cette TVA, dite « sociale »…
Une belle arnaque: nous faire payer via la TVA une partie de notre salaire différé,  en trois mots, nous payer moins.

Bien sûr dirons certains, Richard (le patron) peut choisir de répercuter la baisse du salaire différé, en augmentant le salaire direct… C’est vrai. Mais après avoir tant hurlé contre ces “charges” qui le paralysent, voudra-t-il les reverser direct aux salariés, s’il a le choix? On peut en douter…

( Nous n’avons pas évoqué dans cet article la question des prolos au chômage, à la retraite, au RSA… Bien sûr, eux aussi vont trinquer!  )

Reste, bien sûr, la solution de la lutte.

Note: on nous signale qu’un argument pour défendre cette fameuse “TVA sociale”, c’est qu’elle serait un frein aux délocalisations…

Sur le sujet, donnons la parole à Phillipe d’Arvisenet, chef économiste pour BNP Paribas:

Le coût du travail en Chine est très inférieur à ce qu’il est dans les pays de l’OCDE. Si l’on prend comme référence des pays comme l’Allemagne, la France, les Etats-Unis d’un côté et la Chine de l’autre, on a un écart au niveau des salaires qui va de 1 à 20. Pour dire les choses autrement, 10 euros de salaire horaire ici c’est ½ euro de salaire horaire en Chine. Cela n’épuise pas le sujet du coût du travail puisqu’il y a bien d’autres choses qui rentrent dans le coût d’un produit qu’on fabrique à partir du travail, notamment les gains de productivité.
Le niveau de productivité en Chine est très inférieur à ce qu’il est dans des pays comme la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne. Il y a un écart de 1 à 3, grosso modo, entre ces niveaux de productivité, ce qui vient relativiser énormément le coût du travail, et là on passe d’un écart de 1 à 20, selon la manière dont on voit les choses, à un écart qui est plutôt de 1 à 6 ou 1 à 7.

Pour aller plus loin dans cette réflexion sur la questions des réductions de salaires, de la mondialisation et de la crise actuelle, c’est ici.

6 comments

  1. “Reste, bien sûr, la solution de la lutte.”

    Oui, la lutte, mais la lutte pour quoi? et contre qui, contre quoi? Et quelle lutte pourra se dresser contre ces baisses de salaires, sans attaquer la condition même du salarié, l’existence du salariat et la fondation classiste/genrée du capital. Des luttes dont le point de départ, les salaires,pourra être dépassé dans un écart, mettant en cause l’existence même de la classe en attaquant le capital dans toutes ses catégories. Sinon, dans l’état actuel, toute lutte sur les salaires, ici, dans les pays développés, a de faibles possibilités de réussite et de subversion, il peut y avoir des surprises, mais pour le moment…à part les campagnes syndicales (surtout CGT), le prolétariat ouvrier, les fonctionnaires, etc…semble plutôt chancelant face à la crise/restructuration actuelle, on a vu monter au créneau surtout la “couche intermédiaire”, classe moyenne appauvrie (indignées, OWS…), il faut regarder vers OAKLAND et les dockers là-bas pour avoir une lutte de classe prolétarienne.
    Pour la Communisation.
    Amitiés.

  2. Il peut tout de même y avoir des luttes sectorielles qui permettent d’arracher des augmentations, ou du moins des rattrapages de l’inflation…
    Sur le fond, nous sommes d’accord. Cette phrase ( « Reste, bien sûr, la solution de la lutte. ») veut dire que c’est la seule solution, car croire que les patrons vont accepter de bon gré de répercuter les baisses de cotisations patronales en augmentant les salaires, serait pour le coup totalement illusoire.

    Ceci dit sur cette question particulière de la TVA “sociale”, on pourrait avoir des surprises.
    Pour la première fois depuis des décennies, le pouvoir ne respecte pas un semblant de “trêve sociale” pré-électorale… Les luttes contre cette mesure (si elle est prise, car le gouvernement hésite) pourraient être importantes.

  3. Salut,
    en ce qui concerne les luttes “sectorielles”, ici, en France, je ne vois pas grand chose, avec le chômage en crue, malgré la rhétorique syndicale et de gauche du “c’est les riches qui doivent payer”, l’affaire est pliée, ou très mal engagée pour des revendications autres que du maintien de l’emploi (comme de la défense en général). Du reste, des baisses de salaires et des pertes dans les conditions de travail ont été consenties par les organisations ouvrières syndicales, partout en Europe, et même aux USA, notamment dans le secteur de l’automobile,dès le début de la crise et aux fins de maintien de l’emploi. Ce consentement n’est pas sans effet sur les autres secteurs, et la tendance s’est depuis précisée.
    En fait pour que les capitalistes paient leur crise, ou pour leur crise, il est indispensable que ceux-ci engrangent des bénéfices et du profit, la force de travail est une variable, la baisse des salaires une solution. Certes, la gauche et les gauchistes vitupèrent contre la finance en faisant des gorges chaudes des bonus, des rentes, des dividendes astronomiques des capitalistes financiers, disant que l’argent est là, et qu’il faudra taxer, etc..pourtant cette condition est la condition du maintien de l’emploi, de l’investissement, etc..; c’est la critique tronquée, of course.

  4. Donc TVA sociale :
    “Le président devrait annoncer une augmentation de la TVA sociale( Presse) du samedi 28 janvier, un jour avant le blablatinage présidentiel sur 5 chaînes télés. Ce sbire politicard devrait annoncer d’autres mesures “courageuses”, puisque c’est le mot-clé de la com du parti présidentiel, à ce que je pige.
    Du côté socialo, l’on trouve par la bouche de Hollande-président, que le moment est mal choisi, c’est une affaire de timing apparemment. Il me semble pourtant que les socialistes ont une affinité avec le social et donc avec la TVA du même nom.
    On dira : ne payons pas leur tva? Bah!

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