Chez Marx, les marxistes et les marxiens, on trouve souvent des références au Mode de Production Capitaliste (souvent abrégé MPC). Expliquons rapido ce qu’est un mode de production, et on enchaînera dans un prochain article sur ce qu’est précisément ce fameux MPC…
Commençons par citer tonton Engels :
« [C]e fait élémentaire voilé auparavant sous un fatras idéologique que les hommes, avant de pouvoir s’occuper de politique, de science, d’art, de religion, etc., doivent tout d’abord manger, boire, se loger et se vêtir : que, par suite, la production des moyens matériels élémentaires d’existence et, partant, chaque degré de développement économique d’un peuple ou d’une époque forment la base d’où se sont développés les institutions d’État, les conceptions juridiques, l’art et même les idées religieuses des hommes en question et que, par conséquent, c’est en partant de cette base qu’il faut les expliquer et non inversement comme on le faisait jusqu’à présent. »
(extrait du discours d’Engels a l’enterrement de Marx)
Bref, un mode de production, c’est comment on produit ce dont on a besoin pour vivre : On distingue dans ce processus la manière dont on s’organise pour produire, et les moyens dont on dispose.
– La manière, ou dit autrement l’organisation des rapports entres les personnes : on va appeler ces rapports des rapports de productions : par exemple, l’esclavagisme, ou des maîtres possèdent des esclaves qui produisent ce dont on a besoin pour bouffer, ou le salariat dont nous avons déjà parlé ici.
– Les moyens, c’est-à-dire la matière ( outils, machines) et les connaissances de méthode pour produire, qu’on va appeler les forces productives : par exemple, les forces productives aujourd’hui sont vachement plus élevées qu’a d’autres époques, et on dispose de machines qui, actionnées par des prolos, fabriquent super vite plein de trucs.
Pendant longtemps, on a considéré chez les marxistes (dits “classiques”) en particulier, que les forces productives étaient neutres, et qu’il fallait juste les prendre, les gérer sans patrons, pour que tout roule. Et puis on s’est aperçu que sans patrons, le travail a l’usine était quand même super chiant. Que les forces productives ne se développaient pas simplement vers une plus grande efficacité, mais aussi en réduisant l’activité des prolos a celle de machines. Bref, qu’elle servaient aussi a casser les résistances sociales, et participait a nous montrer qui sont les maîtres.
On en reparlera…
Bientôt la suite : qu’est ce que c’est… Le Mode de Production Capitaliste (MPC) ?
On pourrait ajouter que les rapports de production proprement dits s’accompagnent d’autres rapports sociaux, qui ne se situent pas dans le strict cadre de la production (du rapport employeur-salarié). Il y en a qui dérivent des rapports de production capitalistes, de la manière dont le travailleur vend sa force de travail, ou dont le produit est ensuite réparti dans la société (on dit souvent, par exemple, que depuis une 30aine ou 40aine d’années les rapports humains se sont “marchandisés”). D’autres sont des survivances de modes de productions passés, comme les rapports patriarcaux de genre : ils ne “servent” pas vraiment le capitalisme, mais celui-ci a eu “la flemme” de les supprimer (parce qu’ils ne le desservent pas non plus).
Ensuite, il y a les forces productives. Leur développement modifie la façon dont les gens produisent, mais aussi vivent, d’une manière générale. Ils génèrent une “conscience collective” et, en réalité, c’est celle-ci (et non le niveau des forces productives directement) qui entre en conflit avec les rapports sociaux. A partir de là, en devenant révolutionnaire et en s’organisant pour agir, la “conscience collective” devient une force matérielle. C’est pourquoi, tout mode de production ayant sa “contradiction motrice”, celle de la féodalité par exemple était entre la propriété utile (par l’artisan ou le paysan) des moyens de production et la propriété “éminente” du seigneur qui lui permettait de s’approprier une partie du produit ; tandis que celle du capitalisme n’est pas “entre patron et ouvrier” ni à proprement parler “entre les forces productives et les rapports de production”, mais entre le CARACTÈRE (toujours plus) COLLECTIF des forces productives, avec la conscience collective (ensemble de conceptions) qui en dérive, ET l’ensemble des rapports sociaux, dont la “clé de voûte” est la propriété privée capitaliste des moyens de production, la force de travail réduite à l’état de marchandise, l’appropriation privée (principalement capitaliste) du produit etc.
C’est “la politique au poste de commandement” et c’est ce qui, quasi systématiquement, a été perdu de vue par le marxisme “classique” du 20e siècle : c’était la fameuse “théorie des forces productives” qui voulait que, une fois la classe ouvrière au “pouvoir” (en tout cas son Parti, restait à savoir dans quelle mesure celui-ci la représentait vraiment !), il suffisait de développer les forces productives pour mener la société au communisme…
SAUF QUE, le précédent mode de production avait laissé en héritage des conceptions, des rapports sociaux dans tous les domaines, faisant que, non seulement toutes les organisations révolutionnaires embraquent leur lot d’opportunistes (certes), mais au sein même de ces organisations, dans leur fonctionnement même (et celui de l’État révolutionnaire) se formaient des “dominants” qui redevenaient (idéologiquement) des bourgeois et rétablissaient le capitalisme.
Je ne sais pas si le marxisme classique considère les forces productives comme neutre. On peut même dire, au contraire, que pour Marx, telle force productive produit tel rapport de production, qui produit en retour tel ” fatras idéologique “.
C’est dans le marxisme kominternien qu’il y a eu la tendance à considérer les forces productives comme neutres, et encore faut-il aller dans le détail. On pourrait plutôt dire qu’il y a eu une certaine conception mécanique du lien entre FP et RP.