Alors que la série community reprend du service demain, nous abordons un sujet moins marrant, la dette étudiante US. Depuis le début de la crise de 2008 la dette étudiante américaine a quasiment doublé, passant de 500 à 1000 milliard de dollar (comparativement la Grèce est endetté à hauteur de 350 milliard).
Le plus important n’est pas la somme atteinte d’un billion de dollars, mais le fait que les prêts étudiants ont atteint 8% du total des prêts alloués aux États-Unis. ce qui en fait le deuxième poste d’endettement des ménages devant les prêts à la consommation (credit card) 6% et les prêts auto (auto loan) 7%. C’est loin derrière les prêts immobiliers qui représentent 75% des encours, mais ça fait quand même une moyenne de 26 000 dollars de dettes par étudiants.
Les universités américaines sont parmi les plus chères dans le monde. Une année en faculté publique coûte en moyenne aux alentours de 15 000€ et pour les facs privées on dépasse allègrement les 20 000€… Pour les licences, en master on double facilement les frais. Bien sûr c’est sans compter le logement et le reste, et on ne va même pas parler des universités huppées de la “Ivy League” (huit universités privées du nord-est des États-Unis parmi les plus anciennes, élitistes et sélectives: Harvard, Princeton, Yale…).
Car oui dans un monde capitalistiquement radieux, pour avoir le meilleur il faut raquer le plus possible. Ceci-dit les États-Unis ont réussi a dépasser ce schéma archaïque et à faire payer 20 000 dollars par année aussi pour une fac de merde.
Cette arnaque se nomme private school qui grâce à des campagnes pub virale sur les télés locales te font croire qu’en 3 ans et 60 000$ de moins tu deviens un winner avec un emploi qualifié à la sortie. (En France aussi des institutions privées sans attache avec l’enseignement supérieur se vantent de vous propulser en deux-deux dans Amour Gloire & Beauté moyennant finances… Souvent pour que dalle à l’arrivée, en particulier si tu n’a pas un solide réseau via papa-maman)
Revenons à nos moutons qui vont se faire tondre : pour pouvoir aller à la fac que tu soit prolo ou de “classe moyenne”, tu es obligé de te rendre à la banque. Là bas, y a un type sympa, il s’appelle Ted, qui te promet monts et merveilles et ice-cream noix de pécan avec des taux assez bas et un remboursement de ton prêt après ta sortie de la fac le tout étalé sur 15 ans comme le beurre de cacahuète sur ton pain aux céréales.
Il faut dire que la nous parlons en moyenne de 3 à 5 ans d’études donc au bas mots d’un prêt s’élevant entre 60 et 100 000€. Surtout si tes parents n’ont pas une thune de côté, et que tu ne touches pas de bourse de l’État fédéral.
Mais revenons à Steeve le jeune assis en face du banquier. Lui est cool avec ça ses parents ont des thunes, enfin assez pour lui payer les 2 premières années de fac. Mais il a quand même besoin de 40 000$ pour les deux suivantes alors il dit d’accord à Ted: ça roule.
Ted l’employé de la banque lui est sûrement payé un salaire moyen mais avec des objectifs à remplir pour garantir des bonus de fin d’année. Il ne pense qu’à une chose, c’est sa Chevrolet et son prêt immobilier remboursable sur 30 ans. Et pas au pauvre gars en face de lui (pauvre car on ne prend pas en compte les gens vivant dans les ghettos, ils ne vont pas à la banque demander des prêts de 40 000 dollars).
Donc Steeve sort de la banque avec son prêt et il est content, son banquier aussi mais pour d’autres raisons. Maintenant il a les moyens d’aller à la fac de son souhait: l’UNC, l’Université de Caroline du Nord; la plus ancienne université publique du pays, celle de Michael Jordan! Pas aussi prestigieuse que celle de la Ivy League, mais nettement plus que pas mal de facs publiques d’États sans parler des community college.
Steeve va à la fac et passe sa première et sa deuxième année, mais un événement imprévu arrive en troisième année: il oublie que le spring-break ne dure que 2 semaines et paf il rate son année. Patatra cette été là la banque où son père travaille est restructurée (Wachovia Corporation). Sa maman, une travailleuse sociale de la ville de Charlotte, a vu son salaire diminuer de 30%, son employeur – la ville – étant en faillite, et bien décidé a économiser sur le dos des employés.
Pour couronner le tout, les retards de paiement pour rembourser l’emprunt de la maison finissent par entrainer une procédure de foreclosure (une simple saisie immobilière) de leur banque: les voilà à la rue.
The soviet’s american dream comme dirait Reagan.
On retrouve un Steeve tout penaud qui se rend à la banque voir Ted pour rediscuter de son prêt étudiant avec son banquier. Le banquier fait la gueule car les cautions de Steeve, à savoir le salaire de papa et l’hypothèque de la maison familiale étant partie en fumé, Ted n’a pas les garanties suffisantes pour accepter une rallonge de prêt à Steevie.
C’est pourquoi il lui tend le journal des petites annonces pour que ce fainéant de Steeve trouve un job pour se payer le reste de ses études.
Steeve ressort de sa banque comme il y a 3 ans mais maintenant c’est tout tristounet qu’il retourne dans le mobil-home que ses parents louent sur un parking municipal de la ville. Pendant ses vacances il taf dur avec un double emploi, et de retour sur le campus il fait frire du poulet la moitié de la journée car avec le peu de qualification qu’il a seul KFC veut bien lui offrir un job (parce qu‘ils offrent le job, ils sont gentil les patrons).
Dans ces conditions Steeve rate encore sa troisième année, et avec le remboursement de son prêt qui doit commencer dans deux mois… Il est dans la mouise. Surtout que la maison saisie et papounet au chômage, son prêt qui devait être a un taux moyen abordable car il avait beaucoup de garantie, dépasse maintenant allègrement un niveau d’échéance qu’il ne peut atteindre! Bein oui, logique: moins de garantie, c’est plus d’intérêts à payer, c’était écrit pourtant, dans les petites lignes en bas du contrat qu’il n’a pas lu, comme tout ses potes!
Maintenant Steeve doit 70 000$ à la banque. Son prêt n’étant pas un prêt auprès de l’État fédéral il n’est pas garantie sur la base des 15% de son salaire mensuel. ( l’État garantit des prêts étudiants jusqu’à peu près 15 à 20 000 $ et que les prélèvements ne s’élèvent pas au dessus de 15% du salaire mensuel.)
Ainsi Steeve doit se trouver un job voir deux ou trois pour pouvoir avoir de quoi payer une seul mensualité. Il a super peur que sa dette soit rachetée par des acheteurs de dette professionnels, qui vont la payer seulement 10% du prix cash, puis le harceler pour qu’il les paient.
Il sait que ces gens là ne reculent devant aucune magouille. Surtout depuis qu’un de ses potes s’est fait avoir: on lui a envoyé une citation à comparaitre à une ancienne adresse, du coup il n’est pas allé au tribunal, il n’était pas au courant. Alors ses créanciers ont obtenu le droit de ponctionner à la source, en prélevant sur son salaire ou ses droits sociaux.
Mais il se pose des question Steeve, ce serait pas de la faute à ces cons de banquiers et à la finance s’il est dans la merde? Lui pense que oui et suit de près le mouvement Occupy…
Qui hélas n’apporte pas trop de solution pour le moment: le dernier truc en date, c’est se collecter pour racheter la dette a bas prix (comme le font les agences de recouvrements) pour pouvoir l’annuler, on est bien loin de refuser de payer, et en dernier recours ça revient à s’arranger pour payer quand même les créanciers.
Son père lui, conservateur comme il est, regarde Fox News et Glen Beck et CONsort. Il trouve qu’ils ont raison: l’État intervient trop dans le marché. D’ailleurs c’est pour ça que sa banque l’a viré, trop de contraintes, d’ impôts pour payer la clique de fonctionnaires de Washington et trop de lois régulatrices qui empêchent de fonctionner. D’ailleurs John jr the third le père de Steeve participe activement au Tea Party local et soutient la candidature d’un petit patron avec une dentiste en colistière pour entrer au congrès.
Mais bon je vous parle que d’un looser du coté peu glorieux de l’Amérique les vrais winners gagnent leur vie au sortir de la fac et remboursent leur prêt étudiant à 40 ans comme en 2004 pour un type qui deviendra le 1er président noir de ce même pays 4 ans plus tard. Comme quoi Steeve aurait du être noir et vivre a Chicago… Mouais le problème c’est qu’il y a qu’une seule place de président…
Alors que près de 50 millions de prolos vivaient avec l’aide alimentaire en 2012!
Quelque chose à ajouter? Alors autant se quitter en musique! Avec une vieille chanson du mouvement ouvrier américain, des IWW pour être exact. Au début du siècle, les meetings de ce syndicat révolutionnaire étaient souvent perturbés par des chorales de l’armée du salut, au service des patrons.
Cette chanson, sur l’air justement d’une chanson religieuse, se fout de la gueule des prêcheurs: ” tu mangeras tout ce que tu voudras… Quand tu sera mort” dit le prêcheur.
Les prolétaires américains ne sont pas encore morts!
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