La ré-industrialisation fait l’unanimité en France, du PCF à l’extrême-droite. Tous ont adhéré au discours productiviste. Même les « partenaires sociaux » comme on les appelle si tendrement, s’y collent. Évidemment, chacun définit le terme à sa manière. Mais bon, ça part du même sentiment! Pour une fois que tout le monde est d’accord… C’est pourquoi nous lançons une série d’articles sur la question, visant a mener une critique radicale de ce prétendu “remède miracle” à la crise.
Pour commencer, retour aux sources: c’est quoi, déjà, l’industrialisation?
Précision utile: il ne s’agit pas ici de s’inscrire dans une logique anti-industrielle, qui verrait dans l’industrialisation la cause de tout les maux de l’humanité. Il est bien sûr nécessaire de faire une critique radicale du productivisme. Mais ce positionnement, d’ordre presque toujours réac, car idéalisant trop souvent les sociétés de classe pré-capitalistes, n’a pour nous pas beaucoup d’intérêt pour comprendre le monde capitaliste, encore moins pour le combattre. Pour une critique de classe de ces thèses dites aussi “anti-technologies” voir ce lien.
Revenons au sujet: L‘industrialisation, c’est le passage de la production artisanale à la production industrielle.
La production artisanale, à la main, dans plein de lieux de production dispersés ( ateliers d’artisans), est remplacée par une production avec des machines et des techniques qui amènent à une beaucoup plus forte productivité du travail. On parle d’une production en série et standardisée. La production industrielle regroupe aussi beaucoup de travailleurs dans des lieux précis, avec des horaires fixes et une réglementation stricte. Il y a une spécialisation croissante des rôles au sein de la production.
L’industrialisation de l’occident, pourquoi comment, à quel prix ?
L’industrialisation est née en Europe. Normal. La bourgeoisie s’est fait la main sur les Amériques, a pillé à tout va, utilisé des indiens, puis des africains comme esclaves, colonisé des territoires. Elle en a tiré des richesses énormes, en or, en matières premières de toutes sortes: un des pires « crimes contre l’humanité » : la colonisation.
L’accumulation primitive du capital, la mise en place du salariat, fut largement aussi ignoble.
On ne va pas rentrer dans les détails du débat sur l’œuf ou la poule, sur les conditions de naissance du capital et patati et patata. Ces deux mouvements, la colonisation et l’accumulation du capital, sont en tout cas très liés.
Le processus monte en puissance jusqu’au XIXe siècle, ou le capitalisme se fait société, touche le monde entier.
Cette masse de richesses extorquée dans les colonies, a été investie pour produire, à un rythme de plus en plus soutenu. Pour faire des profits avec le capital existant, et ainsi le valoriser, l’augmenter, il faut produire, toujours plus. Produire à une échelle plus large, non plus dans des ateliers mais des fabriques, devenues ensuite des usines, une industrie, mettant en mouvement des machines toujours plus perfectionnées…
Les premiers pays qui s’industrialisent dit, chez les historiens “pays de la première vague”, sont l’Angleterre à la fin du XVIIIe, et la France au début du XIXe. Ils sont suivis de l’Allemagne, des États-Unis, du Japon…
Cette industrialisation s’est faite avec des montagnes de sang, de travail accumulé qui accroit encore et encore le capital. Tous les pauvres, venus de la campagne, y sont passés : ça bossait dès l’âge de quatre ans, ça crevait parfois avant trente.
Pourquoi étaient ils partis de la cambrousse, ces gens là, aussi ? Tout simplement car on les avaient foutus dehors. Expropriations massives de paysans, développement de l’élevage à grande échelle par les nobles, qui nécessite de détruire les terres dédiées à l’agriculture vivrière ( qui sert a nourrir les gens du coin)…Levée d’impôts importants par l’État que les paysans ne peuvent payer car ils n’ont presque pas d’argent, et qui nécessite de vendre les terres…
Bref, le règne de la propriété privée capitaliste s’est lancé en dépossédant la plus part du monde.
L’industrialisation, c’est d’abord issu de toutes ces saletés. Et si depuis c’est devenu un peu moins terrible en Europe, c’est surtout par le développement des luttes sociales, du mouvement ouvrier. Celui-ci a contraint les capitalistes à payer plus cher la force de travail, ce que les patrons ont compensé par l’amélioration technique, les innovations… Qui servaient aussi, bien sûr à déposséder les prolos de leur savoir faire, mais ceci est une autre histoire.
Avec le développement du l’industrie capitaliste, la nécessité s’est fait sentir pour les patrons d’avoir une main d’œuvre plus abondante, et plus formée (voir l’article sur l’école, au niveau de la formation ). Or les conditions de travail, et en particulier le travail des enfants, provoquait de véritables hécatombes qui empêchaient l’augmentation de la main d’œuvre, et affaiblissaient globalement les prolos, qui du coup n’était pas assez productifs. Devant cette nécessité de ne pas tuer la main d’œuvre à la tache trop vite, et sous la pression de fortes luttes ouvrières, la situation s’est peu à peu améliorée en terme de conditions d’exploitation, et le travail des enfants à été réglementé puis interdit.
C’est aussi avec le processus d’industrialisation que se redéfinit les notions de sphère publique/sphère privée.
C’est à dire un espace public, qui est l’espace du travail, et des luttes d’ailleurs, et qui est délimité, en terme de temps et d’espace ( l’usine, de telle heure à telle heure, et des murs pour empêcher les ouvriers d’en sortir). Et d’un autre coté un espace privé, où se passe l’élevage des enfants, le travail domestique…
La production industrielle, dés ses débuts, nécessite du travail salarié féminin. Les femmes bossent dans les usines, les manufactures,etc. Mais le travail domestique étant plus formellement séparé il apparait de fait comme plus étanche, plus distinct…
Ce phénomène qui sépare de manière brutale l’espace public et privé ( on va pas s’engager pour dire si c’est ça qui le crée ou pas, c’est pas le propos) participe à la construction d’un modèle type féminin de la femme au foyer.
Modèle type qui se réalise surtout pour les femmes bourgeoises, les seules qui globalement se situent à l’époque hors du travail salarié, (ce qui ne signifie pas forcément hors du travail…) mais qui constitue “l’idéal féminin”, ce qu’on attend, en gros, des femmes.
Enfin, les (un peu) meilleurs salaires concédés par les patrons ont participé à créer des marchés de consommateurs dans les pays industrialisés, qui consommaient une part importante de la production. L’excédent partant dans les colonies, des marchés captifs, ou la puissance coloniale peut vendre ses produits sans concurrence locale.
Car comme on l’écrit plus haut, la colonisation permettait de voler officiellement les biens des autres peuples. Mais elle a aussi, petit à petit, permis de créer des marchés là bas pour revendre aux “autochtones” ce qu’on leur volait après l’avoir transformé en marchandise : on les a « intégrés » au marché, par l’impérialisme.
Tout ça, d’un point de vue capitaliste bien sûr, fonctionne… Jusqu’à ce que ça coince. Et ça finit par coincer. Crise sur crise sur crise… Comme on en parle dans la notion sur le sujet. Ces crises, de plus en plus violente, jusqu’à “the big one” de 1929 qui foutra un beau bordel dans le monde.
On parlera des réponses à ces crises, déjà évoquées dans un article sur le Keynésianisme, dans un prochain article de cette rubrique ” faire intervenir l’État pour industrialiser, c’est de droite ou de gauche ? “
A suivre…
Pour la blague, un extrait du seigneur des anneaux qui parle de l’industrialisation, c’est même un des sujets principaux de ce film…
Pour les non anglophones voici les paroles
“L’ancien monde brûlera dans les flammes de l’industrie. Les forêts tomberont. Un nouvel ordre naîtra. Nous mènerons la machine de guerre avec l’épée et la lance et la poigne de fer des (ouvriers oups non c’est pas ça) Orques.