Négociations, rupture des négociations, référendum, ou pas… La situation en Grèce est difficilement décryptable, et les médias bourgeois n’aident pas beaucoup. Voici le premier d’une série d’article sur la Grèce aujourd’hui. Nous ne reviendrons pas sur les péripéties particulières du feuilleton médiatique grec, qui pour l’essentiel tiennent de la poudre aux yeux, mais essaierons plutôt de donner des clefs de compréhension.
Il n’est bien sur pas possible de prévoir avec certitude les évolutions de la crise grecque. En revanche, nous pouvons établir des scénarios. Dans tout les cas, il n’y a pas de bonne gestion de la crise pour les prolétaires grecs. Notre courant a souvent répété que dans le capitalisme, notre situation de prolétaire ne peut que s’aggraver. C’est particulièrement clair en Grèce.
Examinons les trois scénarios en présence.
Le scénario (déjà obsolète) ou Syriza obtenait ce qu’elle réclamait dans son programme.
Ce scénario n’a jamais vraiment été à l’ordre du jour. Nous l’abordons brièvement à titre d’exemple, et parce que cela participe à éclairer l’ensemble.
En fait le programme de Syriza lors de son arrivée au pouvoir, c’est un peu la chanson des restos du cœur : « on vous promet pas le grand soir, juste à manger et à boire ».
Cela passe par l’arrêt des mesures d’austérité, quelques mesures humanitaires et surtout une renégociation et un effacement d’une partie importante de la dette. Jamais les créanciers n’ont voulu entendre parler de tout cela. Au contraire, ceux ci ont démontrés qu’ils préféraient jouer sur le risque de la faillite du pays pour forcer le gouvernement à se soumettre plutôt que de négocier
Y a que des mauvais flics dans la troïka.
Nous aborderons tout cela dans un article particulier, alors on se contentera ici de quelques lignes : dans les négociations de ces derniers mois, il était frappant de constater comment, mois après mois, les créanciers ne cédaient rien, forçant Syriza à reculer jusqu’à finalement s’approcher de la capitulation sans condition. Cela tient de plusieurs facteurs, dont, sûrement des facteurs politiques. La volonté de faire un exemple. Celle aussi des dirigeants européens de droite et sociaux démocrates traditionnels de couper l’herbe sous le pied de toutes possibilités de gestion alternative en Europe.
Bien sur, cela n’aurait pas changé beaucoup de choses pour les prolétaires : Syriza assume en Grèce le rôle de gestionnaire en derniers recours. Ils ne sont là que pour incarner une ligne « bon flic » pour faire passer la pilule amère des réformes, après des années de « mauvais flics » au pouvoir. Le problème, c’est que dans le cadre des négociations en cours, il n’y a apparemment même pas la place pour ce rôle là.
Cela nous rappelle qu’il ne faut pas sous estimer les conflits entre les différentes perspectives de gestion du capital. Et la situation actuelle semble démontrer le peu de marge de manœuvre des réformistes aujourd’hui.
Le scénario de la soumission à la Troïka.
C’est celui qui semblait le plus probable pour le moment. En tout cas, il paraissait avoir la faveur de la majorité de Syriza. Bien sur à condition de quelques petites concessions de la part des créanciers, les nouveaux gestionnaires alternatifs de l’état grec, Tsipras en tête, semblait jusqu’à ces derniers jours disposés à lâcher sur quasiment toute la ligne : non application de la plupart de leur programme, nouvelles mesures d’austérité, privatisations, etc.
En échange, la Banque Centrale Européenne, le FMI et l’UE aurait consentis à prêter encore un peu d’argent à la Grèce… Afin que l’état grec puisse rembourser les prochaines échéances.
Bien sur ce petit jeu là ne peut pas durer indéfiniment, les dettes de l’état grec sont trop élevées.
En fait, c’est un peu comme dans ces films où obligée de miser ses économies sur une partie de poker truquée, notre héroïne a tout perdu : elle ne savait pas que tout les autres autour de la table étaient de mèche.
Un peu plus tard, un type lui menace de lui casser les jambes, si elle ne le rembourse pas. Mais, en même temps, il lui explique qu’il veut bien lui faire une fleur : Il va commencer par prendre tout ce qu’elle a pour le revendre, puis il lui laissera une semaine pour rembourser une somme encore plus grosse : a elle de se débrouiller. Comme elle ne voit pas d’autre perspective, elle accepte : en même temps, que peut elle faire ? Quitter la ville ? Mais pour aller ou ? (voir plus bas, le 3eme scénario)
Presser le citron , puis jeter la peau.
En dernier recours, les créanciers savent bien que l’état grec ne remboursera pas ses dettes. Ils ne veulent qu’une seule chose : presser le citron jusqu’au moment de jeter la peau.
En revanche, cela peut durer. Il est très difficile de pouvoir prévoir quand une situation de ce type n’est plus tenable. Ce qui est sur, c’est que si cela peut durer, cela peut aussi aller très vite. Tout peut s’accélérer. Alors, place à un autre scénario : celui que l’argentine a connu il y a près de 14 ans, en 2001. Nous n’en sommes encore là, cela peut arriver la semaine prochaine comme dans deux ans… Mais semble difficilement évitable à terme.
Le scénario argentin.
Le scénario argentin est une possibilité qui pèse sur la Grèce depuis des années. Aujourd’hui, ce scénario devient une réelle possibilité à court terme. Il s’agit ni plus ni moins que de l’effondrement du système financier grec: les économistes bourgeois appellent ça un « crédit crunch ».
Pour résumer, les banques grecques ne sont alors plus en mesure de répondre aux demandes de retrait des épargnants, et ne peuvent pas non plus se prêter de l’argent entre elles : elle disposent tout simplement de trop peu de fonds pour cela. Normalement, dans ces cas là, c’est la banque centrale qui prête les fonds nécessaires, en attendant que des jours meilleurs (quand les épargnants auront remis leurs sous à la banque, etc., permettent au banques de la rembourser). Pour l’instant c’est ce que fait la BCE via ELA, l’acronyme d’Emergency Liquidity Assistance soit en français, Assistance de Liquidité d’Urgence. Avec ce mécanisme, la BCE prête directement aux banques grecques l’argent dont elles ont besoin.
Mais la BCE utilise aussi cette aide de manière politique et a depuis un certain temps refuser d’augmenter son montant… Ce qui a poussé le gouvernement grec à fermer les banques au moins pour la semaine en cours.
Revenons au scénario argentin. Rapidement a cours de fonds, l’État cesse de payer les salaires des fonctionnaires en euros. De nombreux patrons aussi, le chômage technique explose, les salaires (de celles et ceux qui en on encore un) ne sont pas versés.
La seule « solution » pour le gouvernement grec lui aussi à cours de liquidités, c’est de payer les retraites, les fonctionnaires, etc, avec autre chose que des euros : cela peut aller jusqu’à un retour à une monnaie nationale, mais commence a priori par l’émission par l’état de reconnaissances de dettes. Appelons celles-ci, « Reconnaissance Étatique de Dette » (disons RED, pour un gouvernement dirigé par Syriza c’est la moindre des choses…) Ces RED seraient alors utilisés pour payer les fonctionnaires, les retraités, mais seraient aussi acceptés par l’état pour payer les impôts.
Par exemple, Myrto, une instit grecque, voit son salaire de 700 euros être crédité de manière mixte, avec 200 euros et 500 « RED »
Bien sur, les euros continuent d’être acceptés partout, mais les RED sont aussi acceptés (il le faut bien…) par une grande partie des commerçants… Mais comme il s’agit d’une monnaie moins sûre, elle « vaut » moins, et on peut imaginer, comme en Argentine, que les commerçants pratiquent une sur-taxe dessus. Concrètement, cela signifie qu’au bar, Myrto paiera un café frappé deux euro, mais en revanche si elle veut payer en RED, cela lui reviendra à 4 RED…
Ainsi le salaire réel de Myrto (son pouvoir d’achat) aura baissé en conséquence…
On peut aussi anticiper la création d’une pléiade de monnaie alternatives locales: c’est en tout cas ce qui c’est passé en Argentine, avec profusion de système d’échanges parallèles. Il faut voir ces « solutions » telles qu’elles sont : un moyen de pérenniser l’échange, là ou il est en crise. Cela participe du maintien d’une économie capitaliste.
Qu’il y ai retour, immédiat ou progressif, d’une monnaie nationale, ou adaptation de ce système de reconnaissance étatique de dette dont nous parlions un peu plus haut, on peut déjà anticiper une chose : cette monnaie nationale (ou quasi-monnaie) sera immédiatement dévaluée, se dégradant progressivement. La perspective, c’est une euro-isation de la monnaie. En d’autre terme le peu de confiance des grecs envers leur nouvelle monnaie les poussera a la convertir en euro, ce qui accélèrera le phénomène de dévaluation, créant un cercle vicieux…
Toujours pour continuer la petite histoire, Myrto pourra échanger au black ses REDs contre des euros… Avec un taux de change très défavorable, du genre 1 pour 2 comme au bar, plus la com’ de la personne qui lui fait le change. Ce qui, on le voit, participe encore au cercle vicieux de la dévaluation.
Au bout du compte, c’est une dévalorisation massive de l’épargne de la petite bourgeoisie et des catégories les plus aisées du prolétariat. En bref, de tout ces gens qui ont un peu de sous (quelques milliers d’euros) et contrairement aux gros bourges, n’ont pas mis en sécurité leur fric à l’étranger. C’est aussi une baisse radicale des salaires des fonctionnaires, et la perspective d’une accélération des faillites d’entreprises (avec la crise les faillites ont déjà explosé). Sachant que les nombres de prolétaires recevaient déjà leurs salaires avec plusieurs mois de retards…
Il est bien sur difficile de prévoir les conséquence sociales, politiques, etc, d’un tel scénario-catastrophe : cela dépendra des luttes, de l’activité de crise des prolétaires, mais aussi du rapport entre cette activité et ce qui pourrait se passer ailleurs en Europe. Plus que jamais, l’inconnu de l’équation reste la lutte de classe.