Après le référendum, le gouvernement Syriza – Anel est retourné a la table des négociations avec ses créanciers principaux, à savoir le FMI, l’UE et la BCE. Il demande un prêt de plusieurs milliards d’euros, afin de faire face à ses prochaines échéances de remboursement. Pour l’obtenir, vote des grecs ou pas, il devra accéder aux demandes que les créanciers entendent lui imposer… ou se verra signifier la sortie. Retour sur la stratégie au fond assez simple de la troïka : l’asphyxie.
A moins de céder à toutes les exigences des institutions, la Grèce n’obtiendra rien. C’est à peu près certain. Bon, bien sur, à tantquil on est pas dans le secret des dieux, mais à bien regarder la stratégie des créanciers, ça paraît évident : tout a été fait pour forcer Syriza à se soumettre.
La Grèce vient de faire officiellement une demande pour un troisième plan global d’aide.
Ce plan, comme les précédents, sera assorti de négociations portant sur des réformes d’ajustements structurels, c’est à dire d’attaques sans cesse plus forte contre les prolétaires grecs, déjà très durement touchés par les réformes précédentes. Pour la troïka, il s’agit tout simplement de continuer l’écrasement : aucune marge de manœuvre n’aura été laissé aux gestionnaires alternatifs de l’état grec dans cette crise.
Pour commencer, les créanciers ont coupé les versements du plan d’aide précédents il y a près d’un an : La dernière tranche du 2ème plan d’aide (7.2 milliards d’euros) devait être versée en septembre 2014.
Ce que n’ont pas apprécié les créanciers, ce sont les élections anticipées. Alors, ils ont suspendu le versement en attendant de voir qui dirigerait le pays à la fin janvier… et afin d’avoir un moyen de pression sur les nouveaux gérants de l’état grec.
Du coup, la coalition arrivée au pouvoir s’est retrouvée immédiatement confrontée au compte à rebours du défaut de paiement : la seule manière de l’éviter étant de procéder aux mesures demandées par les créanciers. Voici le départ des négociations.
Ensuite, c’est une belle partie de poker menteur que nous avons vu se dérouler.
Imaginez une partie de poker ou un joueur se retrouve convié à une table dans un endroit un peu sordide. Il a accepté de venir parce qu’il doit de l’argent à un des joueurs. Peu à peu, il se rend compte que tout les joueurs sont associés… On peut tondre un mouton plusieurs fois, mais on ne peut le désosser qu’une seule fois. Le joueur de poker s’aperçoit que les autres joueurs ne sont pas seulement là pour le tondre…
A chaque nouvelle séance, Tsipras, Varoufakis et leurs petits camarades répétaient la même chose : « Nous ne pourrons pas rembourser, il faut négocier une remise de dette. Et commencez par débloquer la dernière tranche du deuxième plan d’aide (les fameux 7,2 mds) ou nous ne pourrons pas vous payer… » Et le FMI et les Européens leurs répondaient : « on en a rien à foutre, ont veut que vous accédiez à nos demandes, ou vous n’aurez rien. Et répondez nous vite. Si vous ne vous soumettez pas d’ici à la mi février, nous considérerons que nous ne sommes plus tenus de vous prêter ces 7 mds. »
Acculé, la coalition au pouvoir en Grèce transige. Si elle ne cède pas c’est le défaut assuré. Alors, le 20 février dernier, c’est à dire à l’expiration de l’ultimatum des créanciers, elle accepte le « principe des réformes ». En échange, les créanciers concèdent une extension de 4 mois du plan d’aide. En somme, ils prolongent simplement l’usage de la même carotte : ces 7,2 mds, qu’ils promettent à nouveau de « débloquer » si le gouvernement grec montre patte blanche.
Depuis février, les négociations se sont donc poursuivies. Avec une stratégie simple de par et d’autre: d’un côté les créanciers disent qu’ils veulent que Syriza se couche, de l’autre les grecs tentent de gratter quelques miettes. Sans rien obtenir.
Pour le gouvernement Grec, les créanciers bluffent : ils ne vont tout de même pas risquer une crise européenne alors qu’eux ne demandent que quelques concessions ? Mais en face, la logique est tout autre : derrière les discours sur la nécessité de négocier et blablabla, les créanciers ont pris acte de la perspective du défaut. Et pesé le pour et le contre.
Céder, même quelques miettes, en particulier sur la dette, c’est prendre le risque de s’engager dans la voie d’une renégociation globale des dettes en Europe. Et cela est totalement hors de propos pour la bourgeoisie aujourd’hui. Et oui, si on accepte de restructurer la dette grecque, que diront les autres pays ? Pour éviter tout risque de contagion, il faut faire un exemple.
Face à cette perspective, les risques que font courir un défaut grec sont considérés comme acceptables. C’est plié, les grecs n’auront rien.
On ne peut que s’étonner de la naïveté de Tsipras et Varoufakis : ceux ci sont semble-t-il jusqu’au bout restés persuadés qu’ils obtiendraient des concessions. Leur raisonnement, a priori, c’est que L’UE ne laisserait pas le pays sombrer, alors qu’il est l’une des principales voies de passage pour les migrants vers l’Europe. Ils espèrent sûrement aussi que la place importante de la Grèce vis à vis des Balkans et dans le dispositif de l’OTAN en méditerranée fera réfléchir les créanciers, que le cas échéant les USA feront pression… Ce qui pour l’instant n’a pas porté ses fruits. Là aussi, les créanciers semblent privilégier un simple calcul comptable sur ce genre de logique géopolitique. L’UE espère peut être qu’après le défaut, une fois à genoux, les Grecs n’auront d’autre choix que de redevenir le protectorat qu’ils n’ont jamais vraiment cessé d’être. ( tour à tour sous domination Ottomane, Anglaise, États-unienne puis Européenne) Et les dirigeants européens ne s’en cachent même pas : déjà, un plan d’aide humanitaire est sur la table.
Alors, un peu avant l’expiration du plan d’aide, a la fin juin, Tsipras cède à nouveau, sur quasiment toute la ligne : OK pour défoncer les petites retraites, OK pour une hausse de la TVA (déjà l’une des plus haute d’Europe). Seul bémol : dans les « orientations » que les grecs proposent pour faire rentrer de l’argent dans les caisses, ils privilégient une hausse des impôts sur les entreprises plutôt que de nouvelles coupes budgétaires…. et surtout, ils persistent à vouloir aussi négocier sur la dette. Ce n’est pas possible, répondent les créanciers.
Tsipras tente alors de gagner un peu de marge de manœuvre, en appelant à un référendum, et en négociant en sous main. C’est toujours nein. Oxi, non, de la part des créanciers.
Le 30 juin, le deuxième plan d’aide a expiré. Pffuit les 7 mds ! Il ne reste plus aux grecs qu’à demander un nouveau plan d’aide. Et donc, à nouveau, s’engager dans des négociations dans lesquels ils n’ont rien à gagner. Avec le défaut en ligne de mire.
Pour faire pression encore un peu plus, la Banque Centrale Européenne (BCE) à aussi durci les conditions d’accès à l’Assistance en Liquidité d’Urgence (l’acronyme anglais donne ELA ) qui est un dispositif par lequel les banques grecques se financent, se font prêter de l’argent par la BCE.
Il s’agit en fait du dernier moyen (avec les impôts, bien sûr) par lequel se finance l’état grec. En effet, pour pouvoir faire face aux dépenses courantes, l’état grec est obligé d’émettre régulièrement (de facto, tout les mois ou presque) des bonds du trésor de courte durée. Ceux ci ne sont valable que 6 mois, et sont autour de 3 % d’intérêts. Qui les achètent ? Les banques grecques. Comment ? Tout simplement, elles commencent par emprunter de l’argent auprès de la BCE via le dispositif ELA, puis utilise ces fonds pour acheter des bonds du trésor.
De fait, en restreignant les conditions d’accès des banques grecques a ce dispositif, la BCE met encore plus la pression sur l’état grec. D’autant que les banques sont du coup aussi privée de liquidités qui leur servent à fournir leurs clients. D’où la nécessité pour l’état grec de faire fermer les guichets, et de mettre une restriction sur les retraits à 60 euros par jour. A noter d’ailleurs que ces 60 euros sont dans les faits réduits de plus en plus à 50, à cause d’une pénurie de billets de 10 et 20 euros…
Alors, encore une fois, le gouvernement grec cède du terrain : il organise une conférence avec les chefs de tout les partis grecs sauf Aube dorée, à l’issue de laquelle ceux ci sont presque unanime à proposer une base d’accord. (Seul le KKE, le parti communiste grec, refuse l’accord)
C’est presque sur toute la ligne la victoire de l’austérité. En filigrane, on retrouve toute les demandes des créanciers dans ces propositions, y compris le fait de ne pas « faire peser la fiscalité sur la croissance » ce qui, en charabia de technocrate, signifie : ne pas monter les impôts des patrons, et couper plutôt dans les budgets de l’état. Seul souci : il y est encore fait la mention d’une renégociation de la dette…
Voilà ou nous en sommes aujourd’hui. De deux choses l’une :
– Soit le gouvernement grec se couche et avale ses dernières couleuvres, auquel cas à priori il tombe. Alors la Grèce reste dans l’UE et l’austérité continuera encore et encore jusqu’à mettre encore plus le pays à genoux. Peut être les créanciers accorderont ils royalement un petit étalement des prêts… Qui de toutes façons sont irremboursables, et amèneront finalement le pays au défaut.
– Soit il n’y a pas d’accord et il y a défaut. Pour aller plus loin sur ces scénarios, nous vous conseillons la lecture de notre récent article.
En tout cas, ces négociations nous apprennent une chose : il n’y a aucune marge de manœuvre pour une politique de relance keynésienne en Europe, la bourgeoisie n’en veut pas, à aucun prix. C’est la guerre contre le prolétariat, une guerre féroce, thatcherienne, qui est déclarée. Mais bon, on le savait déjà, non ?