Italie: malgré l’austérité, le pays voit sa note baisser… Jusqu’ou?

 Nous publions ci dessous une lettre envoyée le 5 août par Jean-Claude Trichet (actuel patron de la BCE) et Mario Draghi (son successeur dès le 1er novembre) au gouvernement italien pour l’enjoindre à la rigueur: Baisser les salaires, privatiser massivement et permettre aux patrons de licencier plus facilement… Les instructions données par Mario Draghi et  Jean-Claude Trichet a Berlusconi sont claires: à l’attaque!

La toute récente dégradation de la note donnée a l’Italie par l’agence Moody’s  est un élément de plus qui va pousser le pouvoir italien a approfondir  ses coupes budgétaires au détriment du prolétariat. ( Il y a trois grandes agences de notation, en gros elle participent a définir ,au travers de leurs recommandations et leurs notes, le prix des obligations, d’états ou d’entreprise, et donc le taux d’intérêts. )

 Voici la  lettre: une perle de sincérité est de sens du sacrifice…

Cher Premier ministre,

Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a discuté le 4 août de la situation de l’Italie sur les marchés obligataires. Le conseil des gouverneurs considère que les autorités italiennes doivent d’urgence adopter des mesures propres à restaurer la confiance des investisseurs.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro avaient conclu lors du sommet du 21 juillet 2011 que «tous les pays de la zone euro réaffirment solennellement leur détermination inflexible à honorer pleinement leur signature souveraine, ainsi que tous leurs engagements à mettre en place des conditions fiscales durables et des réformes structurelles». Le Conseil des gouverneurs considère que l’Italie doit d’urgence rétablir la qualité de sa signature souveraine, et réaffirmer son engagement pour une stabilité fiscale et des réformes structurelles.

Le gouvernement italien a décidé d’établir un budget équilibré en 2014 et, à cette fin, a récemment mis en place un paquet fiscal. Ce sont des engagements importants, mais ils ne sont pas suffisants.

Dans les circonstances actuelles, nous considérons les mesures suivantes comme indispensables :

1. Nous estimons qu’il est nécessaire de mettre en place des mesures d’envergure pour stimuler une croissance potentielle. Quelques décisions récentes prises par le gouvernement vont dans ce sens ; d’autres sont en cours de discussion avec les partenaires sociaux. Cependant, il faut faire davantage et il est crucial d’avancer avec détermination. Des défis clés consistent à accroître la compétition, particulièrement dans les services, pour améliorer la qualité des services publics et pour mettre en place une régulation et des systèmes fiscaux mieux adaptés au soutien de la compétitivité des entreprises et à l’efficacité du marché du travail.

a) Une stratégie de réforme globale, profonde et crédible, incluant la libéralisation totale des services publics locaux et des services professionnels est nécessaire. Cela devrait être appliqué en particulier à l’offre de services locaux, via des privatisations de grande ampleur.

b) Il est aussi nécessaire de réformer davantage le mécanisme collectif de négociation salariale permettant des accords d’entreprises, afin d’adapter les salaires et conditions de travail aux besoins spécifiques des firmes et d’améliorer leur pertinence vis-à-vis d’autres niveaux de négociations. L’accord du 28 juin entre les principaux syndicats et les associations patronales industrielles va dans ce sens.

c) Une révision en profondeur des règles régissant le recrutement et le licenciement des salariés devrait être adoptée, conjointement à la création d’un système d’assurance-chômage et d’une série de politiques actives du marché du travail capables de faciliter la réallocation des ressources vers les entreprises et les secteurs les plus compétitifs.

2. Le gouvernement doit prendre des mesures immédiates et courageuses pour garantir la pérennité des finances publiques.

a) Des mesures fiscales correctives supplémentaires sont nécessaires. Nous considérons qu’il est essentiel que les autorités italiennes avancent l’application des mesures adoptées en juillet 2011 d’au moins un an. Le but devrait être d’atteindre un déficit budgétaire meilleur que prévu en 2011, un emprunt net de 1% en 2012 et un budget équilibré en 2013, principalement via une réduction des dépenses.

Il est possible d’intervenir davantage dans le système de retraites, en rendant plus contraignants les critères d’éligibilité aux pensions d’ancienneté et en alignant rapidement l’âge de la retraite des femmes ayant travaillé dans le secteur privé sur celui appliqué aux employées du public, permettant ainsi de faire des économies dès 2012. Le gouvernement devrait également envisager de réduire de façon significative le coût des emplois publics, en durcissant les règles de renouvellement du personnel et, si nécessaire, en baissant les salaires.

b) Un mécanisme de réduction automatique du déficit devrait être mise en place, stipulant que tout dérapage par rapport aux objectifs sera automatiquement compensé par des coupes horizontales dans les dépenses discrétionnaires.

c) Les emprunts, y compris la dette commerciale et les dépenses des autorités régionales et locales devraient être placées sous contrôle strict, conformément aux principes de la réforme en cours des relations fiscales intergouvernementales.

Au vu de la gravité de la situation actuelle des marchés financiers, nous considérons qu’il est crucial que toutes les mesures énumérées dans les sections 1 et 2 ci-dessus soient adoptées aussi vite que possible par décret-lois, suivies d’une ratification du Parlement d’ici fin septembre 2011. Une réforme constitutionnelle visant à durcir la législation fiscale serait également appropriée.

3. Nous encourageons aussi le gouvernement à prendre immédiatement des mesures pour assurer une vaste réforme de l’administration publique afin d’améliorer l’efficacité administrative et la bienveillance à l’égard des entreprises. Dans les services publics, l’utilisation d’indicateurs de performance devrait être systématique (en particulier dans la santé, l’éducation et le système judiciaire). Il est nécessaire de s’engager fermement en faveur de l’abolition ou de la consolidation de certains niveaux administratifs intermédiaires (comme les provinces). Les actions visant à réaliser des économies d’échelle dans les services publics locaux devraient être renforcées.

Nous espérons que le gouvernement prendra toutes les mesures appropriées.

Mario Draghi, Jean-Claude Trichet

Texte et traduction Coralie Schaub et Sabine Syfuss-Arnaud, journalistes au service étranger de Challenges

Bref, les perspectives sont bien sombres pour les prolos, en Italie. Reste désormais a savoir quelle sera leur réaction, et surtout le niveau de résistance dont ils feront preuve. Une chose est sure: l’Italie, ce n’est pas la Grèce. C’est une des plus grandes économie de la zone euro. Si, par leur activité face à la crise, les prolos et prolottes italiens ébranlent cette économie déjà fragile, l’effet domino pourrait surprendre tout le monde…

One comment

  1. “L’accord du 28 juin entre les principaux syndicats et les associations patronales industrielles va dans ce sens.”
    L’Italie n’est pas la Grèce, pas seulement eu égard son poids dans l’euroland (comme disent les experts du LEAP), à savoir l’agitation qui y règne, en Grèce a commencé dès les prémisses de l’éclatement de la crise actuelle ( assassinat d’Alexis Grigoropoulos), avec la génération à 500€, de nombreux conflits dans l’éducation, profs, élèves contre gouvernement. Pas de comparaison pour l’Italie, quelques mouvements étudiants et autour de l’éducation (Book bloc), mais peu de luttes (à ma connaissance…) dans le secteur ouvrier ou employé public ou privé, secteur qui pèse bien plus lourd que l’équivalent en Grèce, où jusqu’à la crise de la dette c’était en majorité les jeunes et précaires qui étaient les acteurs.
    En Italie le patronat (Fiat) a récemment remis en cause les conventions collectives en utilisant le vote par les employé(e)s et ouvrier(e)s pour imposer des conditions pires mais le maintien de la production. Les majorités ont accepté les conditions, il est vrai que les ouvriers ont voté contre, mais les employé(e)s et cadre(e?)s sont plus nombreux. Fiat a quitté voilà quelque jour l’équivalent du medef transalpin car trouvant la position de cette organisation trop dure par rapport à la gestion du travail, entrave à sa liberté salariale, le climat est en effet morose.

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