Richard a joué a Euromilllions, et il en a gagné 100. Ce qui permet d’évacuer la question de l’origine du capital, encore appelée accumulation primitive…
L’objectif de Richard : le profit.
Le capital investi par Richard la première année : 100 million d’euros
Ces 100M se décompose comme ça : 15 pour les salaires, 15 pour le loyer du local de l’usine, 10 pour les matières premières, 60 pour acheter et entretenir ses machines. (les machines coûtaient 500 millions, il a emprunté sur 10 ans ce qui si on ajoute les intérêts payés a la banque, et les frais chaque années d’entretien, de réparations, fait une moyenne de 60M par an.)
Les ouvriers produisent un beau paquet de montres de luxe.
La première année, Richard gagne 110M : il a fait 10% de profit…
L’année suivante : Il réinvesti tout ses 110M dans sa boite. (Ne vous inquiétez par pour lui, il vit au frais de la boite, avec d’énormes notes de frais. C’est déductible des impôts!)
Il dispose désormais d’un capital de 110M. Pour maintenir son taux de profit à 10%, il doit gagner 11M , soit 1 de plus que l’année d’avant : les ennuis commencent. Et chaque année ce sera pire ! La troisième,s’il a maintenu son tauxde profit son capital sera de 121M ! il devra donc trouver 12,1M, s’il veut maintenir un taux de profit de 10% ! La quatrième… bref.
Mais alors pourquoi absolument maintenir son taux de profit ? Après tout, c’est déjà pas mal, ce qu’il a engrangé !
Oui, c’est vrai. Mais ce qu’il a engrangé, il l’a investi : c’est son capital constant, ses machines. Et s’il l’a acheté un tel prix, s’il investi son pognon pour entretenir et améliorer son parc de machines, c’est car il espère en tirer du profit, bein tiens !
Seulement voilà : s’il investi pour 100 M et qu’il en gagne 10, (donc les fameux 10%) c’est un capital qui rapporte. Mais supposons que malgré tout le capital qu’il investi dedans, le taux de profit chute.
Supposons que la boite ne rapporte plus que 1% de profit, alors que de fil en aiguille , toute la masse de capital investi représente 1 Milliard: donc il gagne 1% de 1 milliard, soit… 10 M!
Richard est alors bien dégouté: son milliard investi en machines et équipement divers ne lui permet pas de gagner plus que les 100 millions de ses débuts!
On finira par conclure que ses machines ne valent pas du tout 1 milliard mais bien 100 millions : c’est tout son capital qui se dévalorise !
Conclusion : pour maintenir son capital, il doit en permanence maintenir son taux de profit ; c’est la loi N°1 du capitalisme : la fuite en avant.
Voyons maintenant les possibilités qui s’offrent a lui pour augmenter ses profits.
En sachant que s’il a une certaine marge de manœuvre, il est quand même limité.
- Il peut compter sur l’augmentation de la productivité:lorsqu’il va renouveler ses machines, les nouvelles machines produiront une bien plus grande quantité de marchandises alors qu’elles couteront a l’achat a peu près pareil que les vieilles moins efficaces: moins de capital investi par rapport a la rentabilité. Ce qui l’amène à…
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Produire plus : jusqu’à un certain point, c’est possible. C’est ce qu’on appelle les capacités de production, de sa boite : la capacité maximale, en terme de machines et de main d’œuvre, de produire.
La limite, c’est l’étendue du marché : au bout d’un moment, les riches n’ayant que deux poignets ils n’ont l’usage que d’un nombre limité de montres. Cette limite peut être repoussée : en stimulant la consommation irrationnelle des riches, en les encourageants a collectionner les montres, grâce a la pub, etc.
Mais ça aussi, au bout d’un moment, c’est limité : ils vont finir par étouffer sous les montres !
C’est pas fini pour autant : on peut stimuler la consommation des pauvres, en leur proposant un crédit : après tout, il paraît que si on a pas une rolex a 50 ans, on a raté sa vie !
Ce n’est qu’un moyen de repousser l’échéance : les pauvres aussi n’ont que deux poignets, et qui plus est des capacités de remboursements de crédits réduites…
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Richard dispose d’autres leviers : il peut innover : faire des montres qui vont vachement loin sous l’eau , pour que tout le monde achète ses montres a lui, et pas celle des concurrents. Le problème, c’est que ses concurrents vont eux aussi finir par faire pareil, et le voilà revenu au même point.
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Enfin, il peut rogner sur les salaires: fini la rigolade !
Là aussi, il peut le faire de plusieurs manière différentes :
– Augmenter les cadences,
– Augmenter le nombres d’heures de boulot sans que les salaires suivent,
– Virer une partie des prolos sans diminuer la charge de travail,
– Virer les vieux qui bénéficient de primes a l’ancienneté, pour les remplacer par des p’tits jeunes, voire par des intérimaires.
Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal, les capitalistes d’aujourd’hui utilisent déjà tout cet arsenal. Est-ce suffisant ? Pendant un bon moment, oui, ça l’est.
C’est pour ça que Marx appelait ça la baisse tendancielle du taux de profit : en effet, le capital peut freiner, jusqu’à faire disparaître cette tendance, durant son développement. Pour un temps. Car il existe des limites : rogner sur les salaires, par exemple, fini par peser sur la consommation. Le crédit peut pallier a ça, mais pas indéfiniment… Et c’est sans compter sur les résistances ouvrières,la lutte des classes !
Finalement, le taux de profit baisse, baisse… Et les capitalistes ne savent plus ou investir leur masses de fric de manière rentable… C’est la crise !
Note importante: nous avons voulu dans cet article donner une idée assez claire de la notion de baisse tendancielle. Nous avons donc laissé de coté volontairement certains développements, par exemple la question du taux de profit moyen, les débats autour de cette notion… Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez… Attendre qu’on en parle (ça finira par arriver, au moins en partie) ou aller voir ailleurs.
Par exemple ici, pour les téméraires (il s’agit tout simplement de la partie qui traite de la loi de la baisse… dans Le Capital)
Enfin, si vous n’êtes pas d’accord , que vous souhaitez compléter, ou simplement poser des questions, libre a vous de laisser des commentaires.
Bonjour,
merci, c’est limpide. Cependant lorsque vous écrivez:
“Richard est alors bien dégouté: son milliard investi en machines et équipement divers ne lui permet pas de gagner plus que les 100 millions de ses débuts!” je remarque que s’il ne gagne que les 100 millions du début, c’est tout de même 100 millions par an! ce qui n’est pas la même chose..
Juste après:
“On finira par conclure que ses machines ne valent pas du tout 1 milliard mais bien 100 millions : c’est tout son capital qui se dévalorise !”
Donc si j’ai juste sur ma première remarque ces machines ne valent non pas 100 millions mais 100 millions par an. De plus s’il vend ses machines (par exemple pour se reconvertir dans un autre buisness ou investir dans l’immoblier) il récupère 1 milliard Comment peut on dire alors que ses machines ne valent que 100 millions?
Cordialement
Petite rectification: puisqu’il n’a plus que 1% de taux de profit, son milliard investi en machines lui rapporte la même chose que lui rapportait les 100 millions investis au début, c’est a dire la somme de 10 millions par an.
S’il vend ses machines, elle ne lui rapporteront pas 1 milliard, mais bien moins, a hauteur de ce que des repreneurs peuvent espérer comme profit.
J’espère que c’est plus clair comme ça, sinon, n’hésitez pas a poser des questions.
merci, tout s’explique 🙂
Très bon article claire, limpide et simple pour les non initié et initié.
Le système capitaliste montre ses faiblesse, connait une crise de civilisation. Pour fonctionner le système a besoin de constamment maximiser ses profits en soumettant ou détruisant les masses salariales et l’Environnement.
Le problème s’est que ce n’est pas maléable a l’infinie. Nous vivons dans une planete finie avec des besoins infinie ( enfin comme vous le montrer bien – le capitalisme veut nous faire croire que nous ne pouvons pas vivre autrement ex par la décroissance choisie)
il me semble que la décroissance (choisie?), c’est aussi du capitalisme.
La décroissance de nos salaires, de notre rsa , allocs chômage etc., par rapport aux prix, en tout cas, nous oblige a moins acheter.
De là a trouver ça sympa…
Encore une fois très intéressant. En vous lisant j’apprends à penser contre moi même.
Le modèle que vous décrivez n’est pas transposable partout. Il y a moins d’une semaine Facebook vient de racheter une entreprise qui ne fait aucun profit et qui compte 12 salariés pour 1 Milliard. Les repreneurs peuvent donc parfois estimer faire du profit avec une entreprise qui n’en fait pas non ?
Deux choses:
1) Le prix auquel Facebook a racheté cette boite est juste délirant, est vient du fait que ce réseau (de flicage) social est en train de préparer une capitalisation boursière de l’ordre de 100 milliard.
Ce qui, au vu du bénéfice du réseau, est juste une nouvelle preuve que le capitalisme ne peut pas tirer trois balles s’en finir par toucher un de ses pieds: la perspective a terme, c’est l’effondrement de la bulle…
Mais ne spéculons pas trop vite, et surtout, ce n’est pas dans un commentaire qu’il est possible de développer là dessus.
2) En revanche,il est possible pour des capitalistes de racheter une entreprise qui ne fait pas de profit, uniquement pour disposer de savoir faire, etc. et faire ensuite plein de profits grâce a de plus gros volumes …
Le problème avec cette fameuse “loi de la baisse tendancielle du taux de profit” est qu’elle n’a jamais été “démontrée”. Sauf si je me souviens bien par un marxiste chinois, un stalinien du PCF il y a 30 ans, et 2 ou 3 autres répartis sur la planète.
Je me souviens d’avoir participé à une réunion de discussion justement sur ce fameux chapitre du Capital. Et ce qui m’avait sidéré c’est que poussés dans leurs retranchements ceux qui l’animaient (des marxistes bien plus calés que moi) avaient fini par avouer que si cette loi ne fonctionnait pas alors le capitalisme avait de beaux jours devant eux, alors lutter contre ce système n’avait guère de sens.
C’est ce qui me gêne (cela ne me gênait pas il y a 40 ans quand j’étais un marxiste croyant) toujours chez les marxistes. Ils pensent qu’ils détiennent une science avec des lois. Et une conception de la science encore plus dogmatique que celle des pratiquants des sciences dures: physique, mathématiques, chimie. Je crains que la réalité sociale et économique ne puisse se résoudre en équations et en lois fussent-elles marxistes. On doit réfléchir, faire des hypothèses, mais surtout on doit connaître bien la réalité qui nous entoure. Ce qui est déjà sacrément difficile malgré l’abondance d’informations.
Mais le fait de ne pas croire en la scientificité (= la vérité) des concepts et lois marxistes ne m’empêche pas de continuer à lutter contre le système capitaliste même si je n’ai pas d’armes 100 % scientifiques.
D’ailleurs quand je vois les “savants ” qui gouvernent ce monde, ou conseillent les hommes politiques, je me dis que la science….
Plutot d’accord avec le fait qu’il faille critiquer le coté “infaillible”, “garantie 100% scientifique”, etc, qu’on peut trouver chez certains marxistes, surtout des stals, d’autant qu’ils en on fait une science d’état, avec tout ce que ça veut dire.
Cependant, la période actuelle est une démonstration de la validité de la thèse de la baisse tendancielle.
Celle ci, Marx l’indiquait déjà, est une tendance qui peut être contrecarrée par les capitalistes, au moins jusqu’à un certains point.
Mais la question est: n’a t-on pas atteint ce point?
En tout cas, la masse de capital ne parait plus arriver a ce valoriser, et le recours au crédit parait s’épuiser.
Bref, tout a fait d’accord pour ne pas s’en remettre a des dépositaires d’un savoir “scientifique” fussent ils des camarades. C’est d’ailleurs une des raisons de ce site, ou nous développons nos positions de manière a les rendre accessibles, et donc critiquables.
Mais que cela ne nous amène pas a nous empêcher de concevoir les limites du capitalisme: le fait de dire que c’est un système qui n’est pas invincible, et qu’il ne pourra indéfiniment augmenter son profit me parait nécessaire, en particulier aujourd’hui.
Je reviens sur la critique écologique de citoyenactif mais sans entrer dans le débat “décroissance”, très minoritaire chez les Verts. Simplement les matières premières que vous mentionnez au début de l’article, elles-même s’épuisent et donc favorisent la fuite en avant. Pour tenter de maintenir le taux de profit, il faut démolir de plus en plus l’environnement, ce qui augmente l’exploitation capitaliste sur les plus pauvres. Ils sont décimés par la pollution (terres rares en Chine avec des villages entiers qui meurent du cancer) ou chassés de leur terre pour aller grossir la masse des sans emplois ou des ouvriers payés misérablement.
Cette épuisement des ressources naturelles est un facteur relativement nouveau à prendre en compte car elle accélère la baisse du taux de profit.