Si la crise était un film d’horreur…

Si la crise était un film d’horreur, le moment d’avant 2008 et l’effondrement des banques serait le moment ou tout se déroule bien et la vie de la petite ville américaine se passe normalement.

La période qui commence en 2008 et dans laquelle nous sommes en ce moment serait le moment où des signes du monstre apparaissent. Des gens disparaissent, on retrouve des tags horribles en lettres de sang et les héros de la petite ville commencent sérieusement à s’inquiéter. Cela dit, le pire reste encore à venir, en France cela se manifeste par le début de l’austérité, le menace de la perte de la note Triple A, la montée du chômage et la baisse du pouvoir d’achat.

Le troisième moment, qui n’est pas encore arrivé est celui où le monstre se révèle et commence à massacrer tout le monde, retourne des voitures et incendie des bâtiments et tout le monde fuit désespérément.  C’est ce qui se passe en Grèce en ce moment, et qui menace le reste de l’Union Européenne

La raison pour laquelle on risque de se retrouver dans cette situation est que cette crise est structurelle et non conjoncturelle. En effet la crise trouve sa source dans deux failles du système capitaliste.

La première est la crise de la valorisation et la deuxième, la crise de débouchés ou crise salariale. Celles-ci s’alimentent mutuellement.

Crise de la valorisation

Tout d’abord, il faut se rappeler brièvement de l’histoire économique des 60 dernières années. De 1945 à 1975 dans l’ensemble des pays capitalistes industrialisés suivent un modèle économique de capitalisme dit keynésien. Celui-ci se caractérise par une forte intervention de l’état dans l’économie, un partage de la croissance qui est forte (de l’ordre de 3 ou 4%) entre salariés et patronat, et une consommation de masse alimentée par les augmentations de salaire.

En France ce sera l’ère de l’accès des ménages à la télévision, à l’électroménager, aux vacances, aux pavillons, etc.

A partir des années 70, ce modèle de capitalisme est en crise et on passe à un nouveau type de capitalisme, néo libéral. Ce capitalisme est défini par une baisse relative des salaires (en France, 240 milliards d’euros par an par rapport à 1975), un grande financiarisation (développement de la bourse, du crédit à la consommation), une délocalisation de la production industrielle (vers des pays à bas salaires) et un démantèlement progressif de l’état providence (dans les années 80 en Angleterre et aux USA depuis les années 90 en Europe et au Japon). C’est un capitalisme ou la bourgeoisie, les multinationales ont  encore plus de pouvoir et surtout, qui est en crise larvée de façon permanente.

En effet ce capitalisme souffre d’une crise de la valorisation qui date de la période précédente.

( La valorisation est le mécanisme par lequel le capitalisme extrait de la plus-value du procès de production ; Plus concrètement, cela veut dire que c’est la part qui reste au patron  sur le prix d’une marchandise une fois enlevé le cout du travail, des matières premières et des machines.)

Dans les années 70, ce taux baisse à cause de plusieurs facteurs : monétaires, augmentation de la conflictualité qui pousse à une hausse de la part des salaires dans le PIB, renchérissement de l’énergie et ralentissement des débouchés.

Pour résoudre cette crise de la valorisation, sont prises des mesure qui vont créer une crise salariale et une crise de débouchés.

Crise salariale

Deux mécanismes principaux qui vont mener à la crise qu’on connait qui est la crise du capital néolibéral.

Restauration du profit par la réduction de la masse salariale : Cela est mis en œuvre par la mise en concurrence accrue des salaries. La délocalisation des industries masse (textile, industrie lourde) des pays du centre vers la périphérie (Taiwan, Corée, Singapour, puis Mexique, Chine, Maghreb, Indonésie) a deux conséquences :

– L’émergence d’un chômage massif qui permet de précariser la main d’œuvre dans les pays développés, et de faire baisser les salaires de façon relative.

– La possibilité de produire des biens manufacturés à très faible cout de travail dans les pays de la périphérie et de les revendre grâce au développement de la globalisation du capital dans les pays.

En gros je vais prendre l’exemple (complètement fictif) d’une télé.

Une télé Ecran plat LCD vendue 500 euros produite en France va couter : 100 euros de matières premières, 100 euros de machines (amortissement d’investissement outils et recherche), 220 euros de travail (calculés en heures) et 10 euros de transport pour le mener au supermarché. On a un cout de production de 430 euros et 70 euros de profit.

En France le cout d’une heure de travail au salaire minimum est de 16,2 euros pour l’employeur.  En Chine le cout horaire d’un salaire ouvrier horaire est de 0,30 centime d’euro.

Maintenant on prend la même télé produite en Chine et vendue en France. On a toujours 100 euros de matières premières, 100 euros de machines mais plus que 22 euros de travail et 100 euros de transport, ce qui fait un total de 322 euros, ce qui fait 178 euros de profit.

Le capital a réussi à restaurer son taux de profit Le problème c’est que c’est un tour de passe passe, parce qu’il y a un  autre facteur dans le fonctionnement du capitalisme : celui des débouchés.

En effet une fois le bien produit, il faut le vendre, or dans les économies développées le principal débouché cela va être les salariés qui vont acheter les biens souvent inutiles qu’ils ont produit. Malheureusement, vu que les salaires n’augmentent plus et que de plus en plus de produits sont fabriqués dans des pays à bas cout de main d’œuvre, la demande ne va pas augmenter, (ce qui s’est passé dans les années 80 et 90) ou même baisser (ce qui se passe depuis le début de la crise). En plus pour ce qui est du profit généré l’investissement dans de nouveau moyens de production de sera pas rentable. Cela va créer une masse d’argent, de monnaie qui ne trouve pas de débouché dans l’économie réelle.

En 2010, les revenus du capital, part dans la valeur ajoutée s’élèvent à 32% soit 608 milliards d’euros. L’investissement, c’est-à-dire ce qui est réinjecté dans l’économie concrète s’élève à 17% du PIB, soit 323 milliards d’euros. Cela laisse 15 % du PIB aux mains du capital qui doit trouver une rentabilité.

Cet argent va chercher à trouver de nouveaux débouchés mais cette fois ci dans le capital fictif.

Celui-ci va être le nouvel élément qui permet au  capital qui a résolu temporairement la crise de valorisation de résoudre la nouvelle crise qu’il a créé en germe : la crise salariale.

La capital fictif est le capital qui n’implique pas de processus de production financier : c’est des produits financiers : obligations, action, subprimes, crédit.

L’investissement dans le capital fictif qui devient le secteur dominant de l’économie capitaliste a en retour des conséquences :

– Elle permet de restaurer le taux de profit, pour la portion de capital extraite chaque année qui ne peut pas être investi dans l’économie réelle.

Par contre comme c’est du capital fictif, des bulles sont créées dans les secteurs des produits  financiers et l’immobilier.

Ce sont des bulles car rien ne justifie la montée des prix à part le fait que les gens achètent, il n’y a pas de production en plus derrière. Par exemple à Paris, les prix de l’immoblier doublent entre 2000 et 2010, mais le travail et les matières premières pour produire des logements restent les mêmes. Ces bulles explosent lorsque la demande pour  ces produits baisse, détruisant de la valeur.

Par ailleurs,  l’investissement dans le capital fictif permet aussi de développer le crédit. Le crédit en retour permet de doper la consommation atone à cause de la crise salariale et de préserver la croissance. Sauf qu’en 2008, la bulle du crédit qui ne valait plus rien, explose, ce qui nous amène au passage d’une crise larvée à une crise ouverte.

Une crise systémique

 Les Etats, pour soutenir le crédit, qui est essentiel à l’économie à court terme payent les banques et mettent en œuvre des plans de relance de l’économie (ce qui se passe en 2008 et 2009). En retour, ils s’endettent d’autant plus que la croissance n’est pas au rendez-vous.

On arrive au moment ou nous sommes maintenant, c’est-à-dire la crise de la dette. Pour pouvoir payer leur dette, les Etats doivent appliquer l’austérité, qui veut dire baisser la masse salariale : c’est baisser les salaires des fonctionnaires, augmenter la fiscalité des impôts indirects qui touchent la consommation, et baisser les dépenses sociales qui sont du salaire différé, le tout pour payer la dette c’est-à-dire le capital fictif. Seulement, cela baisse la masse monétaire disponible pour acheter des biens c’est-à-dire la demande.

La boucle est bouclée : Pour sauver la crise du secteur financier c’est-à-dire le capital fictif, on renforce la crise salariale, or le capital fictif a été développé pour remédier à la crise salariale. On est dans un cercle vicieux ou les deux crises s’auto-alimentent et où il n’y a aucune porte de sortie si on reste dans les termes du capitalisme tel qu’il existe …

 Et si on reprend l’analogie avec le film d’horreur, pourquoi pas Halloween, la nuit des masques, de J.Carpenter ?  Voilà en tout cas la bande annonce :

5 comments

  1. Je n’ai encore rien lu d’autre de votre site (donc pas encore d’à priori sur votre orientation), et cet article est vraiment génial ! bravo ! Beaucoup de maturité et de recul dans la vision de la crise actuelle, on aimerait voir ce genre de chose dans des journaux.

    Bon après c’est pas très optimiste mais pas grand chose ne pousse à l’être. Problème : l’humanité sait s’adapter, elle est par contre incapable de changer du tout au tout dans l’urgence.

  2. Pingback: Anarkia12

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