Voici le dernier article de notre série sur le bitcoin et autre monnaies virtuelles à la mode. On s’intéressera ici à une « expérience » particulière. Celle visant à remplacer la monnaie nationale islandaise par une monnaie virtuelle, « l’ aurora coin ». Sympas, les promoteurs de cette monnaie offrent aux prolétaires d’Islande une alternative à leurs conditions : au lieu d’être pauvres en couronnes islandaises, ils leur proposent d’être pauvres en auroracoin.
Le bitcoin est la plus connue des monnaies de singe qui pullulent depuis quelques années sur le net. Depuis le crash de la bourse d’échange MtGox le 28 février 2014, cette monnaie virtuelle fait la une de la presse bourgeoise qui a du mal à comprendre comment plusieurs milliards de dollars ont pu disparaitre du jour au lendemain.
Cette monnaie et celles du même type, appellées « cryptomonnaie », font aussi l’objet de fantasmes de tout une fraction de la gauche « citoyenne » ou alternative, toujours à l’affut de solutions pour bricoler un capitalisme alternatif.
Voici donc une série d’articles pour comprendre un peu mieux les mécanismes des « bitcoin », « auroracoin » et autres du même genre. Il s’agira aussi de démonter les discours qui font de ces monnaies la nouvelle baguette magique pour résoudre les contradictions du capitalisme, le tout sans arrêter sa partie de World of Warcraft.
Comme nous l’expliquions dans un précédent article, comme n’importe quelle devise, le bitcoin est basé uniquement sur la confiance que l’on peut avoir en lui. Mais la grosse différence avec ces monnaies officielles, c’est qu’il n’est pas garanti par une banque centrale elle-même soutenue par un ou plusieurs États possédant un PIB fort et une armée, mais seulement par un algorithme informatique.
C’est une différence majeure, en effet, l’Euro peut s’appuyer sur la création de valeur faite dans les pays qui l’utilisent, alors que la création de valeur potentiellement réalisable en bitcoin est très faible. C’est d’ailleurs ce que les anarcho-capitalistes fans du bitcoin ne peuvent pas comprendre. Un des problèmes de ce type de personne, c’est qu’ils n’ont jamais voulu admettre que, dans le capitalisme, toute la valeur vient du travail contenu dans une marchandise , et non pas de la rareté des marchandises. Si les marchandises que l’on a produites se vendent ensuite en Euro et pas en Bitcoin, la crypto monnaie demeurera un moyen d’échange marginal qui ne servira qu’aux spéculateurs de temps à autre. Pour le moment, le Bitcoin n’a vocation qu’à rester une arnaque pyramidale, ce qui est en réalité est le principe même de toutes les bulles spéculatives. Le seul moyen pour les crypto monnaies de devenir de vraies monnaies d’échange serait qu’elles remplacent les monnaies officielles.
Lorsque la cryptomonnaie devient nationale.
C’est à peu près ce que tente de faire une autre cryptomonnaie : l’Auroracoin lancée en mars 2014 avec la particularité d’être en plus, une monnaie « nationale ». Pour faciliter le lancement de sa monnaie, le créateur de l’Auroracoin a décidé d’en donner une trentaine à chaque citoyen islandais. Le truc est rendu possible par le fait que chaque Islandais est fiché dans une base de données publique et que plus de 95 % des ménages sont équipés en internet. Pour autant, la plupart des Islandais ne sont tout de même pas au courant ou n’ont rien à faire de ce lancement. L’idée c’est de s’appuyer sur le fait que la monnaie locale, la couronne islandaise, ne vaut presque plus rien depuis le début de la crise qui a fait fermer boutique aux différentes banques du pays. Depuis 2008 elle a perdu plus de 50 % de sa valeur. Elle valait même presque 4 fois mois fin 2008. Depuis les baisses des salaires et les mesures d’austérité se sont succédé, les prolos en ont pris plein la gueule et le cours de la monnaie est remonté. et surtout le pays subit un contrôle des changes assez drastique. Pour éviter une trop forte dévaluation, le cours de la couronne est fixé directement par la banque centrale, indépendamment du marché. Du coup, personne n’en veut au niveau international et on ne peut pas facilement échanger des couronnes contre des euros ou des dollars. En 2011, les Islandais se sont même posé la question de savoir s’il ne valait pas mieux abandonner la couronne et faire du dollar canadien la monnaie officielle. Finalement, le pouvoir a préféré annoncer sa volonté d’entrer dans la zone euro.
Le but de cet Auroracoin est donc de profiter de l’importante crise monétaire pour réussir à s’imposer comme monnaie d’échanges quotidiens remplaçante de la couronne. En somme, pour « gérer » le capital en temps de crise, l’Auroracoin propose ni plus ni moins qu’une solution nationaliste mais décentralisée et adossée sur le principe du bitcoin. Si au niveau théorique, le bitcoin est le rêve monétaire des anarcho-capitalistes, l’Auroracoin pourrait être celui des Nationalistes-anarchistes. C’est d’ailleurs un des avantages des principes du protocole bitcoin. Idéologiquement, il est très malléable et peut être utilisé politiquement par à peu près tous les courants pour peu qu’ils souhaitent, d’une manière « alternative » ou non, gérer le Capital.
Des monnaies de singe qui ne peuvent servir qu’à gérer le Capital en crise
Ce cas particulier islandais est particulièrement parlant. La crise actuelle mène le capitalisme vers une dévaluation générale de l’argent, car la masse monétaire actuelle est devenue complètement déconnectée de la valeur en circulation . Pour plus de détails sur le sujet vous pouvez soit attendre que l’on ai terminé la notion sur « la crise de la valeur » soit lire l’article disponible sur ce site. Si l’analyse y est très intéressante, il faut reconnaitre que la fin de cet article est plus que bizarre. L’auteur, pourtant communiste donne des conseils keynésiens au pouvoir et l’invective en lui disant qu’il pourrait mieux gérer le capital. Le système capitaliste va vers une crise généralisée de la monnaie et différents « gestionnaires » préparent déjà les différents types de « monnaies alternatives » (là-dessus aussi on va bientôt sortir un article) qu’ils vont essayer de nous refourguer. Sauf que ce n’est pas chercher une manière « alternative » d’être pauvre qui va nous permettre de nous en sortir, mais bien profiter de sa crise pour mettre fin au capitalisme dans son ensemble. Les différentes cryptomonnaies qui sont en train de se développer et dont le bitcoin fait partie, sont juste de nouveaux intermédiaires à la mode du système classique d’échange capitaliste. lorage
Il faut donc être clair à ce sujet : tant qu’il y aura des Bitcoins, Litecoin, Auroracoin et autres merdes dans le genre… Il n’y en aura pas assez pour tout le monde.