Une nouvelle rubrique sur tantquil! Un panorama international du maintien de l’ordre. Cette rubrique a pour objectif de faire une présentation rapide de ce qu’est le « maintien de l’ordre », a l’échelle internationale. En quoi consiste-il ? Quelles sont ses fonctions ? Comment évolue-t-il ? Le budget qui lui est consacré est il soumit au même impératif économique d’austérité que le reste des dépenses des états ?
Il s’agit ainsi de démonter les discours qui le sous-tendent ( dissociation casseurs/bon manifestants, discours délirant sur les « agents provocateurs anarchistes infiltrés », les « faux étudiants », « faux lycéens », « faux chômeurs », etc.).
Comprendre les mécanismes du « maintien de l’ordre » est, dans cette période de crise et de (probables) affrontements qui s’ouvre, une nécessité.
Chaque force de police a ses particularités et ses méthodes. Par exemple les policiers anti-émeute hollandais utiliseront des petits boucliers ronds en osier alors que les français auront des boucliers carrés en plexiglas et les policiers allemands se passeront carrément de boucliers. Néanmoins, on peut dégager plusieurs grands modèles de maintien de l’ordre.
Nous nous intéressons ici au modèle français.
Le maintien de l’ordre à la française nait en 1921 avec la création de la gendarmerie mobile. Il est renforcé en 1945 par la création des CRS (compagnies républicaines de sécurité). Mais ce ne sera que dans les années 60 qu’un modèle particulier va émerger. Auparavant, la police se contentait de foncer dans le tas et taper à qui mieux sur les manifestants en essayant de les disperser. Cette tactique pouvait facilement se retourner contre les policiers si les manifestants étaient suffisamment déterminés. Ce fut le cas lorsque les ligues fascistes infligèrent une sévère correction à la police le 6 février 1934, manquant de peu de prendre le parlement, ou le 28 mai 1952 à l’occasion de la manifestation contre la venue du général Ridgway où les communistes blessèrent plusieurs centaines de policiers.
Après la semaine des barricades à Alger en janvier 1960 marquée par le décès de 14 gendarmes mobiles en une seule manifestation, alors que la contestation dans la rue gagnait du terrain, puis explosa après mai 68, les forces de police inventèrent progressivement le modèle français de gestion des foules. Il consiste en deux volets.
Les deux volets du modèle français de gestion des foules:
Le premier est la « prévention ». Lors de l’évènement où la foule se réunit, les forces de police anti-émeutes ne se montrent que très peu, bien qu’étant en capacité d’intervenir quasi immédiatement. Ça ne veut pas dire que la police n’est pas présente mais juste que les policiers se font plus discrets. En effet, agents des renseignements généraux et policiers en civils sont présents de manière extensive dans la foule pour ficher et repérer « meneurs » et « fauteurs de trouble ». Cela permet ensuite des arrestations ciblées.
La « coproduction de l’ordre public ».
Cette prévention s’accompagne aussi de ce que la police appelle la « coproduction de l’ordre public ». En termes plus crus, cela veut dire que c’est souvent les organisateurs des manifestations qui vont faire le travail de la police pour étouffer les actes violents. C’est alors aux services d’ordres des organisateurs de manifestations de réprimer les manifestants qui pourraient sortir de la légalité ou être violents.
Malgré quelques syndicats qui vont dans le sens inverse, le service d’ordre de la CGT en est le meilleur exemple. Il peut aller jusqu’à interpeller des « casseurs » pour les remettre à la police comme par exemple lors des manifestations contre le CPE à Lyon. Cette « coproduction » ou sous-traitance de travail de police fonctionne d’autant mieux que les services d’ordre « passent » beaucoup mieux que les CRS ou la BAC auprès des manifestants.
Le deuxième volet est la répression. Lorsque les diverses mesures de « prévention » ne suffisent pas, celui-ci rentre en jeu. Ici aussi, la police adopte une stratégie indirecte mais extrêmement brutale. Les forces anti-émeutes cherchent à éviter le combat au corps à corps que ce soit en ligne ou en mêlée. Il est plus dangereux pour les policiers, mais surtout risque de causer la mort de manifestants d’un coup de matraque mal placé (comme par exemple le 2 avril 2009 lors du G-20 de Londres). A la place, elles préfèrent la mise à distance des manifestants par le biais de gaz lacrymogènes (CS). Ceux-ci interdits dans de nombreux pays d’Europe, sont des gaz de combat non létaux qui servent à la police française pour faire reculer les foules et les disperser. Une fois une zone saturées de gaz, les forces de l’ordre la prennent par une charge très disciplinée. Des grilles anti-émeutes empêchant le contact direct entre policiers et manifestants peuvent compléter ce dispositif. Les interpellations sont souvent effectuées par la BAC sur des manifestants repérés au préalable.
Pour résumer, le modèle français repose sur deux pivots : une part importante donnée à la prévention, consistant à éviter la confrontation et à sous-traiter le travail de police le plus possible aux organisateurs d’évènements publics. Le deuxième est répressif. Bien qu’extrêmement brutal, il repose paradoxalement sur la mise à distance des émeutiers par le biais de gaz lacrymogènes, tactique assez difficile à battre pour les manifestants…
Pour la peine, en petit supplément, le fameux succès d’Annie Cordy:
Un peu idyllique me semble ce portrait. Il y a eu quelques victimes dans les années 70,soient mortellement atteintes soient blessées par grenade offensives notamment : manif contre le nucléaire. Ensuite sous Mitterrand cohabité, avec Pasqua ministre de l’intérieur, Malik Oussekine s’est fait bastonné par deux voltigeurs motorisés (les sieurs Schmitt et Garcia, si ma mémoire etc…) et il mort aussi. D’autre part, les CRS tirent aussi avec des balles de défense, ou gomme-cogne, et des balles en caoutchouc, ces projectiles ont causé de nombreux éborgnements et parfois des lésions cervicales et des handicaps importants, y compris handicap moteur,etc…
Lors des mouvements contre la réforme des retraites un lycéen s’en est pris dans la face, un autre gars à Montreuil, autour d’un squatt la même année, et les policiers/policières utilisent également des Tasers (électricité), peut-être pas en manif, mais dans les contrôles ou les interventions….
De plus, je craint de n’être pas d’accord avec le fait qu’en France, les forces de l’ordre n’avait pas de stratégie avant 1968, contre le FLN la police française avait bien une stratégie et il en faut une pour réprimer les manifestations pro-FLN dans les années 60, les Algériens ne se sont pas retrouvés en Seine juste comme ça en lâchant les cognes dans la rues et en leur disant d’y aller, non c’est peu probable. Il y eu planification,etc… sans même évoquer la répression par les sans-uniforme, genre barbouzes, ou truands employés également par le régime gaulliste (ce n’est pas là son originalité,certes). Je pense qu’à partir des années 70 la répression est plus devenue une gestion intégrée qu’elle ne l’était auparavant, peut-être plus spécialisée et plus ouverte avec la surveillance, le marché de la sécurité,secteur des services.Mais faudrait bien regarder…
Salut
A.D.
Effectivement, tu as raison sur le flashball, le modèle français connait un durcissement significatif depuis quelque années qui va faire l’objet d’un article prochainement. Par ailleurs affirmer que la répression de l’état cherche à éviter les morts ne veut pas dire qu’il n’y en a jamais.
De plus il est aussi important de faire la différence métropole/ colonies. Alors que l’objectif des flics en mai 68 etait zéro morts, ça n’ pas été le cas en mai 1967 ou il y eu plusieurs centaines de morts:
http://www.atout-guadeloupe.com/Emeutes-du-25-26-27-mai-1967-en-Guadeloupe_a776.html