La ré-industrialisation fait l’unanimité en France, du PCF à l’extrême-droite. Tous ont adhéré au discours productiviste. Il s’agit de produire français. Même les « partenaires sociaux » comme on les appelle si tendrement, s’y collent. Évidemment, chacun définit le terme à sa manière. Mais bon, ça part du même sentiment! Pour une fois que tout le monde est d’accord… C’est pourquoi nous lançons une série d’articles sur la question, visant a mener une critique radicale de ce prétendu “remède miracle” à la crise.
Nous continuons de décortiquer la notion d’industrialisation, avec la suite de l’article précédent: l’intervention de l’État pour industrialiser, c’est de droite ou de gauche ?
Le capitalisme, traversé par des crises de plus en plus violentes, a été profondément remué par celle de 1929.
La réponse a cette crise a surtout été d’administrer le système capitaliste sur le modèle de l’économie de guerre permanente, en temps de paix.
Le but était simple : relancer artificiellement l’économie par un endettement, le tout géré par un Etat qui réinvestit dans l’industrie avec l’argent de la valeur à venir, en se disant qu’il y aura des jours meilleurs. On vous l’a expliqué dans une notion. On en remet quand même une couche, et tout d’abord la parole à Keynes lui-même:
« L’activité, de quelque nature que ce soit est le seul moyen de faire à nouveau tourner les rouages du progrès économique et de la création de richesses. (…) Il y a quelques jours, j’ai lu que l’on proposait de tracer une grande route nouvelle, un large boulevard parallèle au Strand et reliant directement Westminster à la City. Voilà tout juste la bonne sorte d’idées ! Mais je souhaiterais quelque chose de plus grand encore. Pourquoi ne pas raser tout le sud de Londres (…) (pour construire une ville nouvelle). Cela donnerait-il du travail aux chômeurs ? Bien sûr, voyons. » (Essais sur la monnaie et l’économie, p.54)
USA des années 30: le New deal, qui fait encore rêver aujourd’hui nos économistes de gôche.
Pourquoi l’état intervient aussi pour les chômeurs ? Parce que les patrons n’arrivent pas à le faire, parce que depuis belle lurette on a compris que la main invisible d’Adam Smith s’était mis les doigts dans l’œil. Enfin…si, l’économie pourrait « peut-être » se relancer, mais non seulement ce « peut-être » ne suffit pas à nos patrons, mais surtout, en attendant les gens crèvent de faim. Et les pauvres, quand ça a faim, ça risque de finir un beau jour par bouffer du patron.
Par cela, les syndicats s’intègrent complètement aux entreprises, devenant de vrais pouvoirs de cogestion. C’était devenu une nécessité, tant les luttes ouvrières dans les années 30 sont incontrôlables aux USA. La plus emblématique fut sans doute le fameux Flint Sit-Down Strike, grève de General Motors en 1936, dont vous parle Michael Moore dans son meilleur docu, Roger et Moi. Mais on peut vous renvoyer à Howard Zinn (une histoire populaire des Etats Unis).
Allemagne 1930-40 ou la ré-industrialisation de « droite »
Le pays qui était parmi les plus dans la merde à cette époque, c’était l’Allemagne. La situation était tendue, le patronat se sentait pas bien : il lui fallait un sauveur. Ce fut Adolf Hitler. Lui a appliqué la phrase de Keynes à la lettre ; il a même voulu raser Berlin et essayé de créer une nouvelle ville, « Germania ». Et il a construit les premières autoroutes d’Europe, plein de nouveaux bâtiments…Enfin, il les a fait construire par les prolos. C’est ce qu’on a appelé la « politique des grands travaux » : tout le monde au boulot gratuit, ou avec des salaires d’État, ils ont créé des emplois à la con ou de flics, et tout ça en faisant tourner la planche à billet, donc via l’inflation.
Parallèlement, les nazis ont lancé l’économie de guerre. Tous les budgets sur les besoins de la population prenaient en compte l’armement et la préparation militaire, au point que le budget de l’armée représentait 18% du budget total.
Résultat : plein emploi en 1939, pouvoir d’achat en berne, mais bon, au moins, les gens crevaient pas de faim, et surtout les profits repartent..
En France, après la guerre, on avait fait partir les méchants, on pouvait encore mieux exploiter les gens.
Avant aussi ? Ah oui, c’est vrai. En 1945, l’Europe est en cendres, il y a eu 50 millions de morts, et la guerre a permis de détruire suffisamment de capital, d’infrastructures, etc. pour qu’on puisse redémarrer sur une économie “saine”.
C’est alors que le CNR (Conseil National de la Résistance) met en place les services publics, dans des secteurs où le privé n’avait pas les moyens d’investir. En gros, l’État a relancé le capitalisme, parce que ça aurait pris trop de temps si c’était le patronat qui s’en était occupé. Après, bien sûr, on pourra toujours dire que l’État est une institution neutre.
Beaucoup de gens disent que les salaires ont augmenté durant les 30 glorieuses. C’est vrai. Mais pas exactement autant que la productivité, du coup, les capitalistes avaient toujours un coup d’avance… Jusqu’à ce que ça coince. Ce sera le sujet d’une prochaine notion: la restructuration.
Bien entendu, ce programme du CNR n’aurait été qu’une feuille de papier si des investisseurs avaient pas débarqué d’un coup. Et là, paf, le Plan Marshall apparaît : les ricains arrosent tout le monde pour reconstruire. En revanche, désormais, la « supermonnaie », c’est le dollar (on en parlera dans une notion, allez voir not’BD en attendant).
Ce qu’on peut tirer de ce bref retour en arrière, c’est que les programmes de réindustrialisation ont été engagés selon les nécessité du capitalisme: pour le sortir de la merde en situation de crise. Et que dans tout les cas, mise au travail signifie mise au pas. Bizarrement ces discours réapparaissent avec la crise actuelle…
A suivre…