Relance en Espagne première partie ? Contrepied d’une vaste déconnade

Les médias mettent désormais en avant le nouveau « dragon » espagnol. Ça va cracher du feu ! Ce que ça veut dire, c’est qu’après 30 ans de bulle immobilière et de tourisme, l’Espagne se recentre sur ce qu’elle faisait avant sous le franquisme : produire pour les principaux pays consommateurs d’Europe en profitant d’une main d’œuvre à bas coût. Or, d’une part, au vu du nombre de pays dans le monde qui sont sur le créneau rien ne dit qu’elle va y arriver et d’autre part, tout ça ne risque pas d’améliorer les conditions de vie de la population. Voici donc une série d’articles pour comprendre les enjeux de cette « relance ». Quand on touche le fond, on ne peut que remonter…

Il faut dire que dans le pays c’est pas la fête :

–       Chute de l’activité interne : 47 000 PME ont fermé, avec un record historique dans le premier trimestre 2013. Ce qui va forcément de pair avec un endettement privé qui saute au plafond.

–       Puisqu’on parle de dette, celle publique est à 93,4 % [1] à la fin de cette année, une des plus fortes augmentations en UE [2]. Et la dette privée, après une légère baisse, reste quand même de 185 % du PIB annuel [3]

–       Baisse de l’activité économique de 6,7 % depuis la crise [4]

–       Baisse cumulée de la consommation de 10 % en 6 ans [5]. La consommation a baissé dans tous les secteurs. Pour donner un exemple assez étalon comme les voitures : la conso de voitures est passée en 5 ans de 1,5 million à 700 000 par an [6].

–       Baisse de la consommation énergétique de 20 %. La misère, ça c’est écologique !

–      Plusieurs grands projets,  les JO de Madrid 2020 et EuroVegas, sont aujourd’hui perdus ou à la poubelle. EuroVegas, c’était 261 000 emplois fixes et 4,7 millions de visiteurs annuels dans la Communauté de Madrid [7].

–      L’immobilier continue de couler [8]. La “correction” de la bulle immobilière pourrait même nécessiter la destruction d’une bonne part des 800 000 constructionLe-gouvernement-s-attaque-aux-normes-absurdes_article_mains vides (estimation basse) qui ont à peine été construites ou ne sont pas terminées. Voilà l’immense gâchis de la surproduction au moment même où c’est la pénurie qui touche la population.

Pour gérer le problème se pose l’idée de créer une « bad bank »  qui reprenne les droits sur ces constructions et en détruise une bonne partie. Elle passerait par un gel des propriétés et un dédommagement subventionné… par l’Etat lui-même avec la thune des gens! Joli tour de passe-passe.  Finalement l’idée reste de détruire le stock pour relancer l’activité. Forcément, si l’on démolit ce qui a été construit en trop, il faut construire pour la demande à venir… De vrais génies qu’on vous dit [9].

Quant aux maisons appartenant aux banques, la SAREB un organisme financé largement par l’État et qui se fait d’ailleurs appeler « banco malo » (bad bank), les a racheté avec pour but de les revendre d’ici 15 ans pour « limiter la casse »[10].

Pendant ce temps, 500 000 personnes ont été jetées à la rue, des gens vivent dehors toujours en plus grand nombre.

Des dizaines de milliers de petits proprios se sont endettés pour construire des baraques dont ils sont expulsés et qui vont être détruites. Pour les plus démunis, les dettes sont gelées… pour un an. À voir ce qu’on va faire de ces bougres au terme du sursis.

 

Abracadabra… t’es pauvre!

Pour se réorienter vers son objectif de devenir l’atelier de l’Europe, l’Espagne a dû faire un sacré relooking social :

–       Baisse du salaire [11] : la Fondation d’études d’économie appliquée (Fedea) calcule que les salaires ont baissé en Espagne de 12 % entre 2010 et 2012. Un recul salué par le chef du gouvernement espagnol. Dans un entretien au quotidien El País, Mariano Rajoy a estimé, le 10 décembre, que pour sortir de la crise, « une des clés est la modération salariale », ajoutant : « Dans les situations de difficulté, il vaut mieux gagner un peu moins et maintenir le plus grand nombre possible de postes de travail. »

–       Mise en place de la réforme du travail, qui défonce le salaire minimum, les salaires et transforme les CDI en contrats jetables[12], mais ce n’est pas une raison pour s’arrêter en si bon chemin ! L’OCDE voit grand et en demande même plus : on remet le bois de chauffe les gars [13]. Le FMI a d’ailleurs fixé son objectif : mettre le CDI au même niveau de flexibilité que les temps partiels [14]. Ben voilà, vous l’avez votre CDI pour tous !

–       Ces nouvelles mesures d’austérités se rajoutent à la déjà longue liste des réformes déjà réalisées [15].

–       Le taux de chômage est stable cette année à 26 % [16] ! Les arguments du pouvoir ne sont pas très différents de ceux utilisés en France. Ils consistent principalement à communiqué en affirmant systématiquement que c’est le meilleur mois… depuis la crise !

–     On note que depuis novembre, on a une légère amélioration, le chômage étant passé à un peu moins de 5,9 millions de personnes. En même temps, c’est dur de faire pire [17]. De plus, un tiers des chômeurs le sont depuis plus de deux ans. Alors forcément, bon nombre d’entre eux ont des dettes, et sont insolvables. Et ça met grave dans la merde les banques espagnoles.

Les banques espagnoles entre deux sauvetages…

Les banques ont déjà été sauvées plusieurs fois en Espagne. C’est un puits sans fond. En 2008, quand tout a pété dans le monde, l’État a dû confirmer une aide de 100 milliards[18].
En juin 2012, ce sont 41,3 des 100 milliards d’euros d’aides de l’UE qui sont passées à perte et profits dans les dettes des banques.

Évidemment, toute cette maille a été donnée aux structures les plus faibles, lorsqu’elles n’ont pas été carrément nationalisées. Eh oui, comme toujours, on nationalise les pertes. Depuis 2008, six organismes sont passés sous tutelle de l’État, il en reste encore trois aujourd’hui.

Assez marrant de voir les hérauts de la nationalisation, qu’ils nous parlent donc du succès du Crédit Lyonnais, de Dexia et de Bankia. Mais on traitera un de ces quatre ce sujet de la « nationalisation » si chère aux réformards de tous poils, si utile à nous faire payer la crise plein pot. D’autres banques encore ont fusionné. Et les plus fortes ont utilisé des fonds propres et des aides d’État.

En tout, c’est l’équivalent de 25 % du PIB espagnol qui y est passé, 250 milliards d’€ !

Face à ces chiffres la crédibilité des hérauts de la nationalisation en prend un coup. Qu’ils essayent encore de nous parler du succès du Crédit Lyonnais, de Dexia et de Bankia. Mais on traitera un de ces quatre dans un autre article ce sujet de la « nationalisation » si chère aux réformards de tous poils et si utile à nous faire payer la crise plein pot.

A force de lire El pais, on aurait presque l’impression que les banques espagnoles ont été remises à flot…Que nenni ! Les chômeurs insolvables et les PME qui coulent, ça c’est pas du fictif ! On a donc désormais 13 % de créances douteuses dans les banques (15 % en 2014 selon les prévisions). Et les entreprises vulnérables seules ont en cumulé 400 milliards de dette [19].

Ce que ça veut dire, c’est qu’on peut s’attendre à un autre, et puis encore un autre « sauvetage » : on fera payer les pauvres, et au bout, rien ne nous laisse penser que ça va s’améliorer.

Pour sortir de ça, la seule solution, c’est que d’autres secteurs rattrapent tout ça, que la croissance reparte, que le chômage baisse… Du structurel quoi ! Et pour ça, le patronat offre une solution improbable, voire loufoque : la « réorientation de l’économie »

(à suivre).

Ne manquez pas le prochain épisode ! Bientôt disponible sur tantquil.net, et seulement sur tantquil.net.


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